[Visite surprise] la maison d’arrêt de Villepinte

[Tatie]

La “case” prison : visite de la maison d’arrêt de Villepinte

Vendredi dernier, je suis allée inspecter la maison d’arrêt de Villepinte. Pour la première fois, j’utilisais le droit qu’ont les parlementaires de visiter les lieux de privation de liberté.

Pendant cinq heures, accompagnée de la directrice de l’établissement, mais également de quatre journalistes, j’ai pu prendre connaissance de l’état de notre système pénitentiaire. Et il n’a rien de reluisant. La maison d’arrêt de Villepinte est pleine à 188%. Alors que la prison a été conçue pour 587 détenus ils sont près de 1200 à l’occuper. Aussi il n’est pas rare que les détenus soient deux, voire trois dans des cellules prévues pour une personne : un matelas est alors posé à même le sol, en lieu et place du seul endroit disponible. Les détenus sont ainsi comme entassés les uns sur les autres.
Le manque d’hygiène est aussi criant. Seules trois douches, dans des cabines souvent délabrées, sont proposées chaque semaine aux détenus. A tout cela s’ajoute un sous effectif chronique : la prison manque d’éducateurs, de psychologues, de soignants... plusieurs mois sont nécessaires pour avoir un rendez-vous psychiatrique. Pas étonnant dans ces conditions que certains pètent un plomb.

Certaines choses sont plus positives, comme le quartier “Respect” où les détenus gagnent en autonomie, ont un accès plus régulier aux activités (bibliothèque, sport, etc.). Mais cette situation est limitée à seulement 200 personnes incarcérées sur les 1200 que compte l’établissement. Ce quartier, qui fait preuve d’une certaine humanité, reste l’exception et non la règle.

Le quartier pour mineurs, le quartier des destins brisés
En allant à Villepinte, je souhaitais visiter le quartier pour mineurs. Dans cette partie de la prison, les cellules ne sont pas surchargées : chaque jeune a bien sa cellule individuelle comme l’impose la loi.

J’ai rencontré l’un d’entre eux. Dix-sept ans, détenu depuis 5 mois. Ce qu’il m’a raconté m’a marquée. S’agissant de citoyens qui ont la vie devant eux, la priorité devrait être mise sur les actions de réinsertion et la préparation de la sortie. Or c’est toujours le sécuritaire qui prime sur l’éducatif. Les cours de l’éducation nationale sont limités à un volume horaire hebdomadaire très réduit. L’accès aux autres activités semble un graal inaccessible : “ça fait 3 semaines que je n’ai pas eu sport. Je n’ai jamais eu accès à l’atelier cuisine”. Quand la directrice lui explique qu’il pourrait aussi demander d’aller à la bibliothèque, il tombe des nues “je peux aller à la bibliothèque?”
Le constat est alarmant. La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté ne disait pas autre chose dans son rapport de 2017. Pour les mineurs il y a un “déficit d’activité”, “les heures d’enseignement dispensées sont inégales. A titre d’exemple, un élève qui préparait le baccalauréat ne bénéficiait que de cinq heures de cours par semaine. En outre un certain nombre de mineurs ne se rendent jamais en cours”.

Il ne s’agit pas de blâmer les fonctionnaires de cette prison. Ceux-ci font ce qu’ils peuvent. Comme le dit la directrice de la maison d’arrêt, les jeunes ont “théoriquement” accès à la culture, à l’éducation, aux activités sportives… mais dans les faits, de nombreux obstacles leur sont opposés. Par exemple, il a été expliqué devant moi à ce garçon que la trentaine de jeunes détenus étaient répartis dans des groupes et qu’un des membre de son groupe faisait preuve “d'incompatibilité” avec d’autres jeunes. Du coup, pour éviter les incidents, l’ensemble des jeunes de son groupe ne pouvait pas accéder à certaines activités (ou deux groupes doivent cohabiter) pour éviter les violences. Autre argument pour laisser les jeunes en cellule : les déplacements des jeunes sont limités car le quartier pour mineur est dans l’enceinte d’une prison pour adulte. Comme jeunes et adultes doivent toujours être séparés (pour la sécurité des premiers), les groupes de jeunes sont peu mobiles, ce qui limite encore les activités qu’ils peuvent réaliser.
La sécurité du personnel et des jeunes est évidemment essentielle. Mais pourquoi avoir des “quartiers pour mineurs” dans des prisons pour adultes si c’est condamner une seconde fois les jeunes ? Si cela limite leur insertion ?
Malheureusement pour ces destins brisés que j’ai rencontrés en prison, la réforme de la justice pénale des mineurs que prépare notre gouvernement ne va apporter aucune solution. Pourtant celles-ci existent, nous les avons développées dans notre programme l’Avenir en commun. En tant qu’eurodéputée je vais agir pour que les choses changent. Je continuerai à utiliser mon droit d’inspection des lieux de privation de liberté. Je militerai pour que ces lieux deviennent plus humains et ne gâchent plus des vies qui mériteraient une deuxième chance.

Leïla Chaibi, députée européenne La France Insoumise*

*source et photos sur sa page FB