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[Livre] je ne souhaite cela à personne
Je ne souhaite cela à personne
Saïd Remli (Auteur)
14 janvier 2010
Biographie
Saïd Remli (Auteur)
14 janvier 2010
Biographie
André Saïd Remli revient de loin : foyer désuni, pauvreté, DDASS, maisons de corrections, petite délinquance et prison. Mais ça ne s’arrête pas là. Remli ne s’avoue pas vaincu. Il veut sortir, il veut la liberté. C’est l’évasion, la mort d’un gardien, le procès et la condamnation à perpétuité. Remli vient de loin, il revient de cet enfer : vingt-cinq ans de prison, dont neuf en cellule d’isolement, et les matons qui cherchent à lui faire payer la mort de leur collègue. Aujourd’hui, bien qu’il en soit sorti, la prison le hante et il doit dire la vérité, ses vérités sur le système carcéral, ce monde clos, impitoyable, où tant d’hommes périssent physiquement ou moralement. Aujourd’hui libéré, il doit tout réapprendre – la vie, l’amour, le travail et l’amitié –, alors que la prison menace de le ravaler au moindre faux pas. Alors il trébuche, tombe et se rélève; il travaille, il aime et il écrit. De là, de cette vie déchirée qui ne s’est jamais avouée vaincue nous vient ce témoignage sincère et poignant, qui nous révèle l’enfer de la prison, et la vie méconnue de ceux qui tentent de s’en sortir.Saïd André Remli a passé vingt-cinq ans de sa vie en prison. Sorti à 48 ans, il vit désormais à Arcueil, dans la précarité, et lutte pour l’amélioration de la condition pénitentiaire, notamment à travers la réalisation de documentaires.
La fatalité n'existe pas, elle se fabrique.
lettre à Bertrand Tavernier :
désolée pour la pub qui précède.
" Je ne cherche ni à faire l'apologie de mon passé ni à l'exploiter. Je ne suis pas un repenti. Je ne m'accuse ni ne m'excuse. J'ai passé vingt ans en prison, dont neuf en isolement, confiné dans une solitude, dans un désœuvrement qui rendent fou. Condamné à perpétuité pour meurtre, après le décès d'un surveillant blessé au cours d'une de mes tentatives d'évasion, j'ai connu le pire de ce que savent offrir les prisons françaises. Après avoir étudié, en cellule, le droit international qui prévaut sur le droit français, constamment transféré, pour cette raison, d'une maison d'arrêt à une autre, j'ai mené une lutte pacifique, légale, afin d'obtenir une amélioration des conditions de vie des détenus. J'ai quitté la taule avec un sentiment de toute-puissance. Je me découvre plus fragile que je ne le pensais. Survivre à la prison, se reconstruire, vivre avec des personnes aimées impliquent un combat différent, un combat dangereux de tous les instants auquel je n'étais pas préparé. Ce que j'ai vécu, je ne le souhaite à personne." Saïd André Remli
Tatie- V.I.P.
- Messages : 18369
Réputation : 387
Sarah965 aime ce message
[Livres] Proposition de lecture.
Comment parler de l'absence d'un père à son enfant ? Comment en parler lorsque ce père n'est pas très loin mais reste inaccessible ? Quels mots utiliser lorsque ce père est prisonnier entre 4 murs ?
Une suggestion de livres pour vous aider, les aider à comprendre pourquoi papa est en prison.
* T'es un grand garçon maintenant
Résumé:Aujourd'hui, j'ai sept ans. En vrai, c'est demain, mais comme on est mercredi, je vais fêter mon anniversaire avec maman. ".
En voiture, avec papi... Mais ce n'est pas si amusant d'aller voir maman, même un mercredi. La boule dans le ventre qui grandit. Des gens aux costumes de contrôleurs de train, des couloirs interminables, des grillages, des portes. Jusqu'au parloir.
Maman a fait un gâteau. Trop sec. Quelques paroles échangées, maladroitement. Et toujours ces mêmes questions (" Comment ça va l'école ? Et papi et mamie ? Ils vont bien ? ") Des bisous, quelques larmes.
Et le soir, au retour de papa, toujours la même interrogation : je serai grand comment, quand maman reviendra de sa prison ?
Auteur(s) : Mikaël Ollivier
Editeur : Thierry Magnie
à partir de 7 ans
* Le garçon en pyjama rayé
Vous ne trouverez pas ici le résumé de ce livre, car il est important de le découvrir sans savoir de quoi il parle. On dira simplement qu'il s'agit de l'histoire du jeune Bruno que sa curiosité va mener à une rencontre de l'autre côté d'une étrange barrière. Une de ces barrières qui séparent les hommes et qui ne devraient pas exister.
Auteur(s) : John Boyne
Editeur : Gallimard
à partir de 10 ans
* Frérot frangin
Résumé:Deux frères s’écrivent des lettres drôles et tendres,au parler vif : Frérot, 11 ans, de sa classe de neige à l’hôtel « Zinzin », Frangin, 19 ans, de sa cellule à l’hôtel « Zonzon ». Sous l’humour né du parallèle entre les deux univers perce une relation fraternelle pudique mais indéfectible, dont la force relie le jeune détenu à la vie. Et à la liberté.
Auteur(s) : Thierry Maricourt, Jacques Tardi
Editeur : Sarbacane
à partir de 10 ans
* En cavale
Résumé:Antoine a dix ans quand il apprend que son père n'est pas le photographe baroudeur qu'il imaginait, mais un braqueur multirécidiviste qui attend son procès en prison.
Lorsque son père s'évade de façon y spectaculaire, Antoine est prêt à tout pour partir avec lui. Son père n'a d'autre choix que de l'entraîner dans sa cavale. Jusqu'où iront-ils ?
Auteur(s) : Clara Bourreau
Editeur : Pocket
à partir de 10 ans
* En 2000 trop loin
Résumé:La semaine passée, j’ai fêté mon premier anniversaire sans Papa. Huit ans, c’est le nombre d’années qu’il lui faudra rester dans sa maison d’arrêt, avant de revenir aux Acacias. La prison j’en parle jamais. J’ai peur que les autres ne jugent mon père une seconde fois. Alors, j’écris tout ce que je fais et tout ce que je vois sur deux cahiers et, chaque semaine, aidé du dictionnaire, je raconte à mon père son voyage à rêver.
Auteur(s) : Rascal
Editeur : Ecole des loisirs
à partir de 3 ans
* Au panier
Résumé:Appliquant la loi à tort et à travers, un représentant de l'ordre entend faire le ménage dans le square. Femme, enfant, chat, oiseau et même le soleil se retrouvent derrière les barreaux ! Mais à quoi rime un monde sans vie et sans couleur ?
Auteur(s) : Henri Meunier, Nathalie Choux
Editeur : Rouergue
à partir de 3 ans
* Mon papa est en prison
Yves Couturier
Broché
Paru le : 03/11/2009
Editeur : Gunten
à partir de 5 ans
* Où est passé papa ?
Ou est passé papa ?
Taro Gomi
Sortie prévue le : 27/04/2011
Editeur : Autrement (Editions)
* Petit papa prison
Résumé:
Elle m'a demandé si tu avais une tenue rayée comme dans les films de bagnards.
N'importe quoi ! Et pourquoi pas un boulet au pied comme les Dalton, tant qu'elle y est ! " Le père d'Anna est en prison et bien sûr ce n'est pas facile à vivre face aux autres. Mais ils correspondent et se racontent à leur façon l'école, la maison, les joies et les colères, la prison. Dans leurs lettres colorées, c'est toute leur complicité et leur envie de vivre qui respirent...
Bruno Gibert
Poche - Broché
Paru le : 31/03/2010
Editeur : Casterman
à partir de 9 ans
* Le tonton de Max et Lili est en prison
Résumé:Max et Lili découvrent que leur tonton est en prison, et non pas en Chine, comme on le fait croire à tous les enfants de la famille.Face au désarroi de leur cousine Léa, qui en veut à son père de lui mentir, Max et Lili décident de réconcilier le père et la fille. Comment vont-ils s'y prendre ? Réussiront-ils ? Ce livre de Max et Lili parle de la prison qui isole et punit ceux qui transgressent les lois. Il montre qu'un parent en prison peut mentir parce qu'il a honte... alors que l'enfant, lui, a besoin de la vérité pour affronter la situation.La séparation, même en prison, n'est pas un abandon. C'est important de garder des liens et ne pas oublier qu'il y a une vie après la prison.
*Tim et le mystère de la patte bleue
à partir de 5 ans
Une suggestion de livres pour vous aider, les aider à comprendre pourquoi papa est en prison.
* T'es un grand garçon maintenant
Résumé:Aujourd'hui, j'ai sept ans. En vrai, c'est demain, mais comme on est mercredi, je vais fêter mon anniversaire avec maman. ".
En voiture, avec papi... Mais ce n'est pas si amusant d'aller voir maman, même un mercredi. La boule dans le ventre qui grandit. Des gens aux costumes de contrôleurs de train, des couloirs interminables, des grillages, des portes. Jusqu'au parloir.
Maman a fait un gâteau. Trop sec. Quelques paroles échangées, maladroitement. Et toujours ces mêmes questions (" Comment ça va l'école ? Et papi et mamie ? Ils vont bien ? ") Des bisous, quelques larmes.
Et le soir, au retour de papa, toujours la même interrogation : je serai grand comment, quand maman reviendra de sa prison ?
Auteur(s) : Mikaël Ollivier
Editeur : Thierry Magnie
à partir de 7 ans
* Le garçon en pyjama rayé
Vous ne trouverez pas ici le résumé de ce livre, car il est important de le découvrir sans savoir de quoi il parle. On dira simplement qu'il s'agit de l'histoire du jeune Bruno que sa curiosité va mener à une rencontre de l'autre côté d'une étrange barrière. Une de ces barrières qui séparent les hommes et qui ne devraient pas exister.
Auteur(s) : John Boyne
Editeur : Gallimard
à partir de 10 ans
* Frérot frangin
Résumé:Deux frères s’écrivent des lettres drôles et tendres,au parler vif : Frérot, 11 ans, de sa classe de neige à l’hôtel « Zinzin », Frangin, 19 ans, de sa cellule à l’hôtel « Zonzon ». Sous l’humour né du parallèle entre les deux univers perce une relation fraternelle pudique mais indéfectible, dont la force relie le jeune détenu à la vie. Et à la liberté.
Auteur(s) : Thierry Maricourt, Jacques Tardi
Editeur : Sarbacane
à partir de 10 ans
* En cavale
Résumé:Antoine a dix ans quand il apprend que son père n'est pas le photographe baroudeur qu'il imaginait, mais un braqueur multirécidiviste qui attend son procès en prison.
Lorsque son père s'évade de façon y spectaculaire, Antoine est prêt à tout pour partir avec lui. Son père n'a d'autre choix que de l'entraîner dans sa cavale. Jusqu'où iront-ils ?
Auteur(s) : Clara Bourreau
Editeur : Pocket
à partir de 10 ans
* En 2000 trop loin
Résumé:La semaine passée, j’ai fêté mon premier anniversaire sans Papa. Huit ans, c’est le nombre d’années qu’il lui faudra rester dans sa maison d’arrêt, avant de revenir aux Acacias. La prison j’en parle jamais. J’ai peur que les autres ne jugent mon père une seconde fois. Alors, j’écris tout ce que je fais et tout ce que je vois sur deux cahiers et, chaque semaine, aidé du dictionnaire, je raconte à mon père son voyage à rêver.
Auteur(s) : Rascal
Editeur : Ecole des loisirs
à partir de 3 ans
* Au panier
Résumé:Appliquant la loi à tort et à travers, un représentant de l'ordre entend faire le ménage dans le square. Femme, enfant, chat, oiseau et même le soleil se retrouvent derrière les barreaux ! Mais à quoi rime un monde sans vie et sans couleur ?
Auteur(s) : Henri Meunier, Nathalie Choux
Editeur : Rouergue
à partir de 3 ans
* Mon papa est en prison
Yves Couturier
Broché
Paru le : 03/11/2009
Editeur : Gunten
à partir de 5 ans
* Où est passé papa ?
Ou est passé papa ?
Taro Gomi
Sortie prévue le : 27/04/2011
Editeur : Autrement (Editions)
* Petit papa prison
Résumé:
Elle m'a demandé si tu avais une tenue rayée comme dans les films de bagnards.
N'importe quoi ! Et pourquoi pas un boulet au pied comme les Dalton, tant qu'elle y est ! " Le père d'Anna est en prison et bien sûr ce n'est pas facile à vivre face aux autres. Mais ils correspondent et se racontent à leur façon l'école, la maison, les joies et les colères, la prison. Dans leurs lettres colorées, c'est toute leur complicité et leur envie de vivre qui respirent...
Bruno Gibert
Poche - Broché
Paru le : 31/03/2010
Editeur : Casterman
à partir de 9 ans
* Le tonton de Max et Lili est en prison
Résumé:Max et Lili découvrent que leur tonton est en prison, et non pas en Chine, comme on le fait croire à tous les enfants de la famille.Face au désarroi de leur cousine Léa, qui en veut à son père de lui mentir, Max et Lili décident de réconcilier le père et la fille. Comment vont-ils s'y prendre ? Réussiront-ils ? Ce livre de Max et Lili parle de la prison qui isole et punit ceux qui transgressent les lois. Il montre qu'un parent en prison peut mentir parce qu'il a honte... alors que l'enfant, lui, a besoin de la vérité pour affronter la situation.La séparation, même en prison, n'est pas un abandon. C'est important de garder des liens et ne pas oublier qu'il y a une vie après la prison.
*Tim et le mystère de la patte bleue
à partir de 5 ans
Diana.F- Ancien(ne)
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
C'est super d'avoir mis ça merci beaucoup
Alli38- Membre actif
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Age : 34
[Livre] Punir, une passion contemporaine
Punir est devenu une obsession contemporaine : entretien avec Didier Fassin
Didier Fassin questionne le “moment punitif” qui caractérise nos sociétés contemporaines. Dans son essai “Punir, une passion contemporaine”, il dévoile les dérives de nos politiques pénales.
Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on autant ?
Prolongeant ses études sociologiques sur la police et la prison, le sociologue Didier Fassin s’interroge dans son nouvel essai plus théorique Punir, une passion contemporaine, sur les ressorts sociaux, politiques et philosophiques d’un soif de châtiment dans nos sociétés contemporaines. Une réflexion essentielle pour mieux comprendre le “moment punitif“ qui définit et fragilise l’état pathologique de notre ordre social. Car loin d’être bénéfique pour la société, la politique sécuritaire et pénale très dure aggrave les tensions et les disparités sociales, et favorise même la criminalité. Entretien.
L’acte de punir relève selon vous de ce que vous appelez une “passion contemporaine”. Quels sont les indices de cette passion ?
Didier Fassin – La France a aujourd’hui la population carcérale la plus importante de son histoire en temps de paix. En soixante ans, le nombre de prisonniers a plus que triplé. Or cette situation ne correspond pas à un accroissement de la criminalité mais à une augmentation de la sévérité. On punit plus, ce qui se manifeste de trois façons. D’abord, au niveau politique, on crée de nouveaux délits ou on criminalise des délits qui ne l’étaient pas, comme la conduite après perte des points du permis. Ensuite, au niveau policier, la politique dite du chiffre détermine des quotas d’interpellations au-delà de la réalité de la délinquance accessible aux forces de l’ordre. Enfin, au niveau judiciaire, on sanctionne plus sévèrement en infligeant plus souvent des peines de prison et en allongeant la durée de ces peines. Cette évolution n’est pas propre à notre pays. Elle est constatée, à des degrés variables et à l’exception des pays scandinaves, sur tous les continents, le cas extrême étant les États-Unis qui a multiplié par huit le nombre de ses détenus en quatre décennies pour atteindre un taux d’incarcération sept fois plus élevé que celui de la France. Or, partout, on continue de réclamer des politiques pénales encore plus dures.
Depuis quand, dans l’histoire moderne, ce “moment punitif” existe-t-il dans nos sociétés ?
Le mouvement s’est amorcé dans les années 1970, au terme d’un cycle commencé avec le New Deal aux Etats-Unis et après la Seconde Guerre mondiale en France, avec d’un côté un idéal de réforme morale et de réinsertion des prisonniers et de l’autre un principe de prévention de la délinquance et de la criminalité. Les préoccupations sécuritaires sont depuis lors passées au premier plan dans une période où l’insécurité était d’abord le chômage et la précarité, mais où, sous l’influence des médias et des politiques, elle a été ciblée sur la délinquance et les incivilités et sur les immigrés et les minorités. L’État social a ainsi progressivement laissé place à l’État pénal et de surcroît un État pénal discriminatoire. On s’est mis non seulement à enfermer de plus en plus mais à élargir le spectre punitif avec de nouvelles procédures telles que le bracelet électronique.
Deux phénomènes se conjuguent aujourd’hui, dites-vous : une évolution de la sensibilité aux déviances ; une focalisation du discours sur les enjeux de sécurité. L’intolérance de la société et le populisme pénal sont-ils donc les deux faces d’un même désir collectif ?
On peut le dire ainsi. Les deux logiques se répondent et se renforcent : plus la demande de sécurité est grande dans la population, plus l’offre de répression se développe du côté des pouvoirs publics mais aussi des agents privés, et réciproquement. Et ce, indépendamment de tout souci d’efficacité, sauf électoraliste. L’actuel état d’urgence en est la parfaite illustration. Injustifié de l’avis des experts, il a été mis en place pour servir de démonstration symbolique d’autorité. Inefficace de l’aveu même des députés qui le votent, il est sans cesse renouvelé par peur du reproche d’avoir renoncé à une mesure pourtant inutile. Il n’y a aujourd’hui plus un seul responsable politique capable d’expliquer aux Français que, loin d’être bénéfique pour la société, la politique sécuritaire et pénale actuelle la divise et la fragilise, qu’elle aggrave les tensions et les disparités, et même qu’elle favorise la délinquance et la criminalité.
Pour tout le monde, punir, c’est corriger un mal, réparer un préjudice, protéger la société, restaurer un ordre social juste que le fait incriminé avait menacé. Or, selon vous, le châtiment n’est pas ce que l’on dit qu’il est, il punit en excès l’acte commis, il vise avant tout des catégories préalablement définies comme punissables, et contribue à reproduire les disparités ; c’est donc “le châtiment qui menace l’ordre social“, suggérez-vous. Avez-vous le sentiment que votre position en apparence assez radicale, indexée au renversement d’une idée reçue ancrée dans notre culture politique depuis des siècles, puisse être entendue ?
Ma position n’est pas normative : elle ne dit pas aux gens que qu’ils doivent faire. Elle est critique : elle les invite à réfléchir sur la société qu’ils se donnent et qu’ils préparent pour leurs enfants. Pour le chercheur que je suis, la priorité à cet égard, en France comme ailleurs, est de remettre en question les fausses évidences qui servent à défendre les choses telles qu’elles sont et, en l’occurrence, à justifier le moment punitif contemporain. Deux de ces fausses évidences évoquées dans votre question s’avèrent particulièrement tenaces et coûteuses. La première idée reçue repose sur l’argument utilitariste selon lequel on punit pour protéger la société. Or, la plus grande sévérité pénale des dernières décennies a, pour l’essentiel, l’effet inverse, dans la mesure où elle porte surtout sur de simples délits. A court terme, elle désocialise les personnes condamnées. A moyen terme, elle favorise les récidives. A long terme, elle creuse les inégalités. La seconde idée reçue consiste à penser que la justice punit certes sévèrement mais de manière équitable en fonction des délits commis. Or toute la chaîne pénale détermine les infractions à sanctionner en fonction de qui les commet. Le législateur privilégie la petite délinquance sur la délinquance économique. La police contrôle et fouille les jeunes dans les cités plutôt que devant les universités. Les parquets se montrent plus sévères pour la détention de petites quantités de cannabis que pour l’abus de biens sociaux. Vous qualifiez ma position de “position radicale”. Il est vrai que nous en sommes arrivés à un point où le simple fait de contester des fausses évidences et d’énoncer des faits scientifiquement établis, devient, en matière de sécurité et de pénalité, un signe de radicalité… C’est dire la régression de notre lucidité collective.
Vous abordez dans votre livre trois questions clé afin de saisir ce moment punitif : “Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ?” Comment ces trois questions se sont imposées dans l’évolution de vos travaux de recherche, depuis longtemps centrés sur les champs sociaux où la question de la peine se pose, à savoir la police, la justice, la prison ? Sont-elles apparues comme des énigmes pour vous, après avoir longtemps vu de près leurs effets au quotidien ?
Après dix années passées à étudier de près ces trois institutions, à les resituer dans leur contexte historico-politique et à les comparer aux institutions similaires dans d’autres pays, j’ai voulu prendre du recul – ou de la hauteur. J’ai essayé de conduire une réflexion anthropologique sur ce que signifiait l’acte de punir. En revisitant la littérature philosophique et juridique, je me suis rendu compte qu’elle proposait une analyse idéale de ce qu’il devrait être et non de ce qu’il est. J’ai donc en quelque sorte remis l’ouvrage sur le métier et tenté de reprendre les trois questions fondamentales de la définition, de la justification et de la distribution du châtiment. Pour me limiter à la première, j’ai voulu montrer qu’en définissant, comme le font aussi bien la théorie du droit que le sens commun, l’acte de punir comme l’infliction par une institution légalement autorisée d’une souffrance ou d’un désagrément en réponse à une infraction à la loi, on écartait tout un ensemble de châtiments qui n’entrent pas dans ce cadre. Par exemple, les pratiques ordinaires de harcèlement, d’humiliation et de brimade de certaines populations par la police, en France comme ailleurs, implique une institution qui n’a pas juridiquement vocation à punir et ne répondent pas nécessairement à la commission d’infractions commises. Or elles sont conçues aussi bien par les agents qui les exercent que par les individus qui les subissent comme des expressions punitives, pouvant aller, aux Philippines ou au Brésil par exemple, jusqu’à des exécutions extra-judiciaires. Pensons qu’aux Etats-Unis, les décès dus aux forces de l’ordre sont quarante fois plus nombreux que les décès résultant de condamnations à mort et que les profils des victimes sont les mêmes, à savoir principalement des hommes de milieu populaire appartenant à des minorités.
Vous dites vouloir faire émerger “une théorie critique à partir d’un matériau empirique“ : en quoi ce matériau empirique vous paraît quand même central ?
La pensée critique, nous dit Michel Foucault en relisant Kant, consiste à imaginer que ce que nous considérons comme allant de soi et comme s’étant naturellement imposé est en réalité le produit de contingences, de décisions, d’arbitraire, autrement à repenser librement l’ordre des choses tel qu’il nous est donné. C’est ce que font les philosophes. Mais les sociologues, les anthropologues, les historiens peuvent aller au-delà de ce constat et faire émerger une pensée critique de l’observation des faits et, pour ce qui concerne l’ethnographie telle que je la pratique, de la présence prolongée au sein d’institutions, comme la police ou la prison, que l’on connaît mal parce qu’on les étudie peu de l’intérieur. Comme l’affirmait Pierre Bourdieu, c’est de l’analyse de faits d’apparence modeste et limitée mais bien choisis que l’on peut faire émerger des vérités importantes sur le monde social. C’est par exemple ce que j’ai essayé de faire en démontrant dans mon enquête sur la police que les outrages et rébellions contre agents dépositaires de l’autorité publique reflétaient non la violence des accusés mais l’agressivité de leurs accusateurs ou bien en établissant dans le travail sur la prison que les condamnations des commissions de discipline visaient moins à sanctionner des actes individuels qu’à satisfaire l’attente des personnels. Ce sont ainsi des logiques punitives invisibles qui sont dévoilées. Ce ne peut être que par paresse que les sciences sociales prétendraient se priver du matériau empirique pour fonder leur critique sociale.
A la question “Qu’est-ce que punir ?”, vous faites référence à Durkheim, Simmel, Foucault, Ricoeur, Lefort, mais surtout à Nietzsche et à sa Généalogie de la morale comme support de réflexion ; en quoi la thématique de la moralisation de la peine d’inspiration chrétienne, (seule l’infliction d’une peine peut laisser entrevoir la rédemption et le salut) vous paraît décisive pour saisir le sens du désir de la peine ? Comment comprendre qu’il reste du théologique dans le juridique ?
Ce que Nietzsche nous invite à penser, c’est la généalogie du châtiment. D’où nous vient cette détermination à faire souffrir l’auteur d’un acte répréhensible qui nous semble tellement évidente que nous ne sommes plus capables de penser en dehors de ce cadre ? Les études ethnologiques, historiques et même philologiques que j’ai réunies indiquent que la réponse sociale à la commission d’une infraction à la loi a longtemps et en de nombreux endroits du monde été mise en œuvre sur le mode de la compensation, par la famille ou par le groupe, du dommage subi par la victime ou ses proches. Ce que montrent notamment Simmel et Foucault c’est que vers la fin du Moyen Age un double déplacement s’est opéré, notamment sous l’influence de l’Église, faisant de l’individu le seul responsable de son acte et de la souffrance la voie unique de l’expiation. On est ainsi passé d’une logique de la dette à une morale de l’affliction. Je crois que nous sommes encore largement tributaire de cette morale qui nous empêche de penser à la fois les déterminations sociales des délits et des crimes (le fait que les pauvres sont plus souvent impliqués dans le vol à l’arraché et les riches dans l’évasion fiscale) et les alternatives à l’imposition d’une épreuve douloureuse (comme l’est la prison). Elle s’est du reste largement diffusée partout dans le monde, même si d’autres paradigmes punitifs existent, avec par exemple dans certaines sociétés musulmanes la coexistence de la loi du talion (œil pour œil) et de la logique de la dette (le prix du sang).
A la question “Qui punit-on ?“, vous observez que la distribution des châtiments contribue à aggraver et perpétuer les disparités sociales en affectant de manière disproportionnée les segments les plus défavorisés. Ce scandale d’une inégalité de la distribution des peines n’est-il pas pensé par le monde de la justice ? Peut-il même le penser ?
La plupart des magistrats, du parquet comme du siège, sont convaincus de bien faire leur travail et notamment de juger équitablement. Ils méconnaissent cependant un double problème générateur d’injustices. D’abord, les conditions sociales difficiles et l’environnement propice à certains délits qui sont le lot de beaucoup de petits délinquants, loin d’être prises en compte pour relativiser la responsabilité individuelle servent en fait d’éléments défavorables autant pour l’établissement de la culpabilité que pour l’évaluation de la sanction. Plutôt que les excuses sociologiques que dénoncent nos gouvernants, il faudrait en réalité parler de pénalités sociologiques. Ensuite, la scène judiciaire elle-même constitue un handicap pour les accusés de milieu populaire non seulement parce que les délits qu’ils commettent les amènent à être jugés plus souvent en comparution immédiate sans préparation de leur défense et avec des peines bien plus lourdes qu’en procédure classique mais aussi parce qu’ils maîtrisent mal les codes du tribunal. Les magistrats n’ignorent cependant pas que le pouvoir et plus largement la société attendent d’eux qu’ils pénalisent plus lourdement la petite délinquance que la délinquance économique. Il serait donc fallacieux de faire peser sur eux seuls le poids de l’injustice de la justice. En fait, tout en paraissant établir une hiérarchie des peines à partir d’une hiérarchie des délits, les plus graves étant les plus sanctionnés, le pouvoir et la société établissent de fait une hiérarchie des populations, dont certaines sont de plus en plus punissables et d’autres de moins en moins. Le recul des condamnations en matière de délinquance économique n’est pas dû à une baisse des délits mais à des législations et des pratiques judiciaires toujours plus favorables au monde de l’entreprise et des affaires. On veut éviter la prison aux patrons délinquants. On n’a pas la même attention à l’égard des jeunes des quartiers populaires issus de l’immigration. Bien au contraire, on cible sur eux la stigmatisation sociale, la sévérité législative, l’activité policière et en dernier ressort les décisions judiciaires.
Repenser le châtiment, ce serait comme le dit Nietzsche “soumettre la valeur de nos valeurs à un examen critique“. Pensez-vous que les “progressistes“, dont beaucoup d’élus se disputent aujourd’hui l’étiquette, soient prêts à repenser la peine ? Les difficultés qu’a connues Christiane Taubira place Vendôme ne sont-elles pas le signe d’une impasse quasi sociologique à vouloir repenser la notion de châtiment ? Sur quoi une démarche progressiste en termes de justice doit-elle reposer aujourd’hui ? Interroger les fondements du châtiment, ce qui le définit, comment on le justifie, de quelle manière on le distribue ? Contre cette obsession moderne, “surveiller et punir”, sur quelle valeur une société peut-elle aujourd’hui espérer se raccrocher à l’idée de progrès ?
Les temps sont durs en effet pour le progressisme pénal, notamment en France. La difficulté qu’a rencontrée Christiane Taubira pour une réforme pénale qui s’est avérée finalement très modeste et n’est pas même appliquée par les tribunaux peut rendre pessimiste. Les arguments ne manquent pourtant pas en faveur d’une politique moins répressive et moins discriminatoire. Argument économique du coût de l’enfermement. Argument utilitariste des récidives après incarcération. Argument social de l’aggravation des inégalités. Argument moral de l’injustice de la distribution des peines. Ces arguments ont déjà eu des effets dans certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou les Pays-Bas, et même aux Etats-Unis, où la population carcérale a diminué d’un dixième au cours des cinq dernières années. Ce qui manque à la France ce sont des responsables politiques qui aient ce à quoi Foucault a consacré ses derniers cours au Collège de France : le courage de la vérité.
Didier Fassin questionne le “moment punitif” qui caractérise nos sociétés contemporaines. Dans son essai “Punir, une passion contemporaine”, il dévoile les dérives de nos politiques pénales.
Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on autant ?
Prolongeant ses études sociologiques sur la police et la prison, le sociologue Didier Fassin s’interroge dans son nouvel essai plus théorique Punir, une passion contemporaine, sur les ressorts sociaux, politiques et philosophiques d’un soif de châtiment dans nos sociétés contemporaines. Une réflexion essentielle pour mieux comprendre le “moment punitif“ qui définit et fragilise l’état pathologique de notre ordre social. Car loin d’être bénéfique pour la société, la politique sécuritaire et pénale très dure aggrave les tensions et les disparités sociales, et favorise même la criminalité. Entretien.
L’acte de punir relève selon vous de ce que vous appelez une “passion contemporaine”. Quels sont les indices de cette passion ?
Didier Fassin – La France a aujourd’hui la population carcérale la plus importante de son histoire en temps de paix. En soixante ans, le nombre de prisonniers a plus que triplé. Or cette situation ne correspond pas à un accroissement de la criminalité mais à une augmentation de la sévérité. On punit plus, ce qui se manifeste de trois façons. D’abord, au niveau politique, on crée de nouveaux délits ou on criminalise des délits qui ne l’étaient pas, comme la conduite après perte des points du permis. Ensuite, au niveau policier, la politique dite du chiffre détermine des quotas d’interpellations au-delà de la réalité de la délinquance accessible aux forces de l’ordre. Enfin, au niveau judiciaire, on sanctionne plus sévèrement en infligeant plus souvent des peines de prison et en allongeant la durée de ces peines. Cette évolution n’est pas propre à notre pays. Elle est constatée, à des degrés variables et à l’exception des pays scandinaves, sur tous les continents, le cas extrême étant les États-Unis qui a multiplié par huit le nombre de ses détenus en quatre décennies pour atteindre un taux d’incarcération sept fois plus élevé que celui de la France. Or, partout, on continue de réclamer des politiques pénales encore plus dures.
Depuis quand, dans l’histoire moderne, ce “moment punitif” existe-t-il dans nos sociétés ?
Le mouvement s’est amorcé dans les années 1970, au terme d’un cycle commencé avec le New Deal aux Etats-Unis et après la Seconde Guerre mondiale en France, avec d’un côté un idéal de réforme morale et de réinsertion des prisonniers et de l’autre un principe de prévention de la délinquance et de la criminalité. Les préoccupations sécuritaires sont depuis lors passées au premier plan dans une période où l’insécurité était d’abord le chômage et la précarité, mais où, sous l’influence des médias et des politiques, elle a été ciblée sur la délinquance et les incivilités et sur les immigrés et les minorités. L’État social a ainsi progressivement laissé place à l’État pénal et de surcroît un État pénal discriminatoire. On s’est mis non seulement à enfermer de plus en plus mais à élargir le spectre punitif avec de nouvelles procédures telles que le bracelet électronique.
Deux phénomènes se conjuguent aujourd’hui, dites-vous : une évolution de la sensibilité aux déviances ; une focalisation du discours sur les enjeux de sécurité. L’intolérance de la société et le populisme pénal sont-ils donc les deux faces d’un même désir collectif ?
On peut le dire ainsi. Les deux logiques se répondent et se renforcent : plus la demande de sécurité est grande dans la population, plus l’offre de répression se développe du côté des pouvoirs publics mais aussi des agents privés, et réciproquement. Et ce, indépendamment de tout souci d’efficacité, sauf électoraliste. L’actuel état d’urgence en est la parfaite illustration. Injustifié de l’avis des experts, il a été mis en place pour servir de démonstration symbolique d’autorité. Inefficace de l’aveu même des députés qui le votent, il est sans cesse renouvelé par peur du reproche d’avoir renoncé à une mesure pourtant inutile. Il n’y a aujourd’hui plus un seul responsable politique capable d’expliquer aux Français que, loin d’être bénéfique pour la société, la politique sécuritaire et pénale actuelle la divise et la fragilise, qu’elle aggrave les tensions et les disparités, et même qu’elle favorise la délinquance et la criminalité.
Pour tout le monde, punir, c’est corriger un mal, réparer un préjudice, protéger la société, restaurer un ordre social juste que le fait incriminé avait menacé. Or, selon vous, le châtiment n’est pas ce que l’on dit qu’il est, il punit en excès l’acte commis, il vise avant tout des catégories préalablement définies comme punissables, et contribue à reproduire les disparités ; c’est donc “le châtiment qui menace l’ordre social“, suggérez-vous. Avez-vous le sentiment que votre position en apparence assez radicale, indexée au renversement d’une idée reçue ancrée dans notre culture politique depuis des siècles, puisse être entendue ?
Ma position n’est pas normative : elle ne dit pas aux gens que qu’ils doivent faire. Elle est critique : elle les invite à réfléchir sur la société qu’ils se donnent et qu’ils préparent pour leurs enfants. Pour le chercheur que je suis, la priorité à cet égard, en France comme ailleurs, est de remettre en question les fausses évidences qui servent à défendre les choses telles qu’elles sont et, en l’occurrence, à justifier le moment punitif contemporain. Deux de ces fausses évidences évoquées dans votre question s’avèrent particulièrement tenaces et coûteuses. La première idée reçue repose sur l’argument utilitariste selon lequel on punit pour protéger la société. Or, la plus grande sévérité pénale des dernières décennies a, pour l’essentiel, l’effet inverse, dans la mesure où elle porte surtout sur de simples délits. A court terme, elle désocialise les personnes condamnées. A moyen terme, elle favorise les récidives. A long terme, elle creuse les inégalités. La seconde idée reçue consiste à penser que la justice punit certes sévèrement mais de manière équitable en fonction des délits commis. Or toute la chaîne pénale détermine les infractions à sanctionner en fonction de qui les commet. Le législateur privilégie la petite délinquance sur la délinquance économique. La police contrôle et fouille les jeunes dans les cités plutôt que devant les universités. Les parquets se montrent plus sévères pour la détention de petites quantités de cannabis que pour l’abus de biens sociaux. Vous qualifiez ma position de “position radicale”. Il est vrai que nous en sommes arrivés à un point où le simple fait de contester des fausses évidences et d’énoncer des faits scientifiquement établis, devient, en matière de sécurité et de pénalité, un signe de radicalité… C’est dire la régression de notre lucidité collective.
Vous abordez dans votre livre trois questions clé afin de saisir ce moment punitif : “Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ?” Comment ces trois questions se sont imposées dans l’évolution de vos travaux de recherche, depuis longtemps centrés sur les champs sociaux où la question de la peine se pose, à savoir la police, la justice, la prison ? Sont-elles apparues comme des énigmes pour vous, après avoir longtemps vu de près leurs effets au quotidien ?
Après dix années passées à étudier de près ces trois institutions, à les resituer dans leur contexte historico-politique et à les comparer aux institutions similaires dans d’autres pays, j’ai voulu prendre du recul – ou de la hauteur. J’ai essayé de conduire une réflexion anthropologique sur ce que signifiait l’acte de punir. En revisitant la littérature philosophique et juridique, je me suis rendu compte qu’elle proposait une analyse idéale de ce qu’il devrait être et non de ce qu’il est. J’ai donc en quelque sorte remis l’ouvrage sur le métier et tenté de reprendre les trois questions fondamentales de la définition, de la justification et de la distribution du châtiment. Pour me limiter à la première, j’ai voulu montrer qu’en définissant, comme le font aussi bien la théorie du droit que le sens commun, l’acte de punir comme l’infliction par une institution légalement autorisée d’une souffrance ou d’un désagrément en réponse à une infraction à la loi, on écartait tout un ensemble de châtiments qui n’entrent pas dans ce cadre. Par exemple, les pratiques ordinaires de harcèlement, d’humiliation et de brimade de certaines populations par la police, en France comme ailleurs, implique une institution qui n’a pas juridiquement vocation à punir et ne répondent pas nécessairement à la commission d’infractions commises. Or elles sont conçues aussi bien par les agents qui les exercent que par les individus qui les subissent comme des expressions punitives, pouvant aller, aux Philippines ou au Brésil par exemple, jusqu’à des exécutions extra-judiciaires. Pensons qu’aux Etats-Unis, les décès dus aux forces de l’ordre sont quarante fois plus nombreux que les décès résultant de condamnations à mort et que les profils des victimes sont les mêmes, à savoir principalement des hommes de milieu populaire appartenant à des minorités.
Vous dites vouloir faire émerger “une théorie critique à partir d’un matériau empirique“ : en quoi ce matériau empirique vous paraît quand même central ?
La pensée critique, nous dit Michel Foucault en relisant Kant, consiste à imaginer que ce que nous considérons comme allant de soi et comme s’étant naturellement imposé est en réalité le produit de contingences, de décisions, d’arbitraire, autrement à repenser librement l’ordre des choses tel qu’il nous est donné. C’est ce que font les philosophes. Mais les sociologues, les anthropologues, les historiens peuvent aller au-delà de ce constat et faire émerger une pensée critique de l’observation des faits et, pour ce qui concerne l’ethnographie telle que je la pratique, de la présence prolongée au sein d’institutions, comme la police ou la prison, que l’on connaît mal parce qu’on les étudie peu de l’intérieur. Comme l’affirmait Pierre Bourdieu, c’est de l’analyse de faits d’apparence modeste et limitée mais bien choisis que l’on peut faire émerger des vérités importantes sur le monde social. C’est par exemple ce que j’ai essayé de faire en démontrant dans mon enquête sur la police que les outrages et rébellions contre agents dépositaires de l’autorité publique reflétaient non la violence des accusés mais l’agressivité de leurs accusateurs ou bien en établissant dans le travail sur la prison que les condamnations des commissions de discipline visaient moins à sanctionner des actes individuels qu’à satisfaire l’attente des personnels. Ce sont ainsi des logiques punitives invisibles qui sont dévoilées. Ce ne peut être que par paresse que les sciences sociales prétendraient se priver du matériau empirique pour fonder leur critique sociale.
A la question “Qu’est-ce que punir ?”, vous faites référence à Durkheim, Simmel, Foucault, Ricoeur, Lefort, mais surtout à Nietzsche et à sa Généalogie de la morale comme support de réflexion ; en quoi la thématique de la moralisation de la peine d’inspiration chrétienne, (seule l’infliction d’une peine peut laisser entrevoir la rédemption et le salut) vous paraît décisive pour saisir le sens du désir de la peine ? Comment comprendre qu’il reste du théologique dans le juridique ?
Ce que Nietzsche nous invite à penser, c’est la généalogie du châtiment. D’où nous vient cette détermination à faire souffrir l’auteur d’un acte répréhensible qui nous semble tellement évidente que nous ne sommes plus capables de penser en dehors de ce cadre ? Les études ethnologiques, historiques et même philologiques que j’ai réunies indiquent que la réponse sociale à la commission d’une infraction à la loi a longtemps et en de nombreux endroits du monde été mise en œuvre sur le mode de la compensation, par la famille ou par le groupe, du dommage subi par la victime ou ses proches. Ce que montrent notamment Simmel et Foucault c’est que vers la fin du Moyen Age un double déplacement s’est opéré, notamment sous l’influence de l’Église, faisant de l’individu le seul responsable de son acte et de la souffrance la voie unique de l’expiation. On est ainsi passé d’une logique de la dette à une morale de l’affliction. Je crois que nous sommes encore largement tributaire de cette morale qui nous empêche de penser à la fois les déterminations sociales des délits et des crimes (le fait que les pauvres sont plus souvent impliqués dans le vol à l’arraché et les riches dans l’évasion fiscale) et les alternatives à l’imposition d’une épreuve douloureuse (comme l’est la prison). Elle s’est du reste largement diffusée partout dans le monde, même si d’autres paradigmes punitifs existent, avec par exemple dans certaines sociétés musulmanes la coexistence de la loi du talion (œil pour œil) et de la logique de la dette (le prix du sang).
A la question “Qui punit-on ?“, vous observez que la distribution des châtiments contribue à aggraver et perpétuer les disparités sociales en affectant de manière disproportionnée les segments les plus défavorisés. Ce scandale d’une inégalité de la distribution des peines n’est-il pas pensé par le monde de la justice ? Peut-il même le penser ?
La plupart des magistrats, du parquet comme du siège, sont convaincus de bien faire leur travail et notamment de juger équitablement. Ils méconnaissent cependant un double problème générateur d’injustices. D’abord, les conditions sociales difficiles et l’environnement propice à certains délits qui sont le lot de beaucoup de petits délinquants, loin d’être prises en compte pour relativiser la responsabilité individuelle servent en fait d’éléments défavorables autant pour l’établissement de la culpabilité que pour l’évaluation de la sanction. Plutôt que les excuses sociologiques que dénoncent nos gouvernants, il faudrait en réalité parler de pénalités sociologiques. Ensuite, la scène judiciaire elle-même constitue un handicap pour les accusés de milieu populaire non seulement parce que les délits qu’ils commettent les amènent à être jugés plus souvent en comparution immédiate sans préparation de leur défense et avec des peines bien plus lourdes qu’en procédure classique mais aussi parce qu’ils maîtrisent mal les codes du tribunal. Les magistrats n’ignorent cependant pas que le pouvoir et plus largement la société attendent d’eux qu’ils pénalisent plus lourdement la petite délinquance que la délinquance économique. Il serait donc fallacieux de faire peser sur eux seuls le poids de l’injustice de la justice. En fait, tout en paraissant établir une hiérarchie des peines à partir d’une hiérarchie des délits, les plus graves étant les plus sanctionnés, le pouvoir et la société établissent de fait une hiérarchie des populations, dont certaines sont de plus en plus punissables et d’autres de moins en moins. Le recul des condamnations en matière de délinquance économique n’est pas dû à une baisse des délits mais à des législations et des pratiques judiciaires toujours plus favorables au monde de l’entreprise et des affaires. On veut éviter la prison aux patrons délinquants. On n’a pas la même attention à l’égard des jeunes des quartiers populaires issus de l’immigration. Bien au contraire, on cible sur eux la stigmatisation sociale, la sévérité législative, l’activité policière et en dernier ressort les décisions judiciaires.
Repenser le châtiment, ce serait comme le dit Nietzsche “soumettre la valeur de nos valeurs à un examen critique“. Pensez-vous que les “progressistes“, dont beaucoup d’élus se disputent aujourd’hui l’étiquette, soient prêts à repenser la peine ? Les difficultés qu’a connues Christiane Taubira place Vendôme ne sont-elles pas le signe d’une impasse quasi sociologique à vouloir repenser la notion de châtiment ? Sur quoi une démarche progressiste en termes de justice doit-elle reposer aujourd’hui ? Interroger les fondements du châtiment, ce qui le définit, comment on le justifie, de quelle manière on le distribue ? Contre cette obsession moderne, “surveiller et punir”, sur quelle valeur une société peut-elle aujourd’hui espérer se raccrocher à l’idée de progrès ?
Les temps sont durs en effet pour le progressisme pénal, notamment en France. La difficulté qu’a rencontrée Christiane Taubira pour une réforme pénale qui s’est avérée finalement très modeste et n’est pas même appliquée par les tribunaux peut rendre pessimiste. Les arguments ne manquent pourtant pas en faveur d’une politique moins répressive et moins discriminatoire. Argument économique du coût de l’enfermement. Argument utilitariste des récidives après incarcération. Argument social de l’aggravation des inégalités. Argument moral de l’injustice de la distribution des peines. Ces arguments ont déjà eu des effets dans certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou les Pays-Bas, et même aux Etats-Unis, où la population carcérale a diminué d’un dixième au cours des cinq dernières années. Ce qui manque à la France ce sont des responsables politiques qui aient ce à quoi Foucault a consacré ses derniers cours au Collège de France : le courage de la vérité.
les inrocks-05-01-17
Tatie- V.I.P.
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[Livre] La chambre des innocents
C’est un tribunal que l’on ne voit jamais. Une salle d’audience nichée au cœur du palais de justice de Paris.
Chaque mois, en petit comité, sont examinés des histoires d’hommes et de femmes qui ont été incarcérés dans des prisons françaises avant d’être totalement blanchis.
Un chèque en forme d’excuses officielles leur est parfois remis mais pas toujours tant les règles sont dures.
Le journaliste Mathieu Delahousse* a assisté pendant un an à ses audiences
particulières, où se jouent des parties judiciaires parfois d’une cruauté glaçante.
*Mathieu Delahousse, journaliste, spécialiste des affaires judiciaires à l'Obs, auteur du livre "La chambre des innocents" qui paraît le 12 avril aux éditions Flammarion
Chaque mois, en petit comité, sont examinés des histoires d’hommes et de femmes qui ont été incarcérés dans des prisons françaises avant d’être totalement blanchis.
Un chèque en forme d’excuses officielles leur est parfois remis mais pas toujours tant les règles sont dures.
Le journaliste Mathieu Delahousse* a assisté pendant un an à ses audiences
particulières, où se jouent des parties judiciaires parfois d’une cruauté glaçante.
*Mathieu Delahousse, journaliste, spécialiste des affaires judiciaires à l'Obs, auteur du livre "La chambre des innocents" qui paraît le 12 avril aux éditions Flammarion
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
j'ai entendu l'auteur présenter son livre sur un plateau de télé. il détaille quelques cas, toujours dans l'anonymat des victimes puisque là les détenus sont les victimes d'erreur judiciaire au moins. à lire.
Invité- Invité
[Livre] Séparer et punir.
Publication date : 02/03/2017
La prison est une peine géographique : elle punit par l’espace.
Elle tient des populations détenues à distance de leurs proches et les confine dans des lieux clos. En même temps, le dispositif carcéral cherche à réinsérer le détenu dans la cité, à maintenir ses liens familiaux.
En dépit de proximités avérées entre la plupart des prisons et les bassins de population, les détenus et leurs proches vivent l’incarcération comme une mise à l’écart. Les riverains souhaitent souvent éloigner les nuisances des prisons, voire cacher le stigmate carcéral. L’architecture même des prisons accentue cette obsession séparatrice : démarquer le dedans du dehors et séparer les détenus entre eux.
La prison des détenus et celle des architectes, celle des proches et celle de l’Administration pénitentiaire, celle des riverains et celle des élus locaux, composent un dispositif de séparation : la prison coupe les liens sociaux et empêche les détenus de partager un monde commun entre les murs.
L’enquête menée par Olivier Milhaud, dans les murs et hors les murs, souligne l’inefficacité d’un tel système, et invite à repenser l’espace de la prison.
Olivier MILHAUD
Olivier Milhaud est maître de conférences en géographie (Université Paris-Sorbonne). Il a reçu le Prix Gabriel Tarde de Criminologie.
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
ça ne valait pas la peine, mais ça valait le coup
26 lettres contre la prison choisies par L'Envolée
228 pages
+ CD audio
(Hafed Benotman)
Hafed Benotman nous a quittés en février 2015. Entre 1976 et 2007, notre ami braqueur-sans arme avait passé dix-sept ans en prison. Il était aussi un auteur talentueux de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de chansons qui ont toujours eu comme sujet l'opposition viscérale à toutes les formes d'enfermement.
En 2001, il participe à la création de L'Envolée, un journal et une émission de radio. dont le but est aujourd'hui encore la critique et le combat contre la justice et la prison. Nous publions dans ce livre les textes et lettres qu'il a écrit pour ce journal.
Le livre est accompagné d'un disque – florilège de quelques-unes de ses interventions radiophoniques dans l'émission hebdomadaire de L'Envolée.
Paru en Mars 2017
Les éditions du bout de la ville
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Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Face au Mur
60 piges - 25 de cabane - 15 de cavale. D'après une histoire vraie
Condamné pour des faits de grand banditisme, Jean-Claude Pautot a raconté la prison, les braquages, les planques et les cavales à Laurent Astier. Dans la tradition des grands auteurs américains, ils ont forgé une fiction inspirée directement du réel.
Une bande dessinée forte comme une vie !
"Mon métier est inscrit dans mon casier : braqueur multirécidiviste. C'est la seule chose que je sais faire. Depuis le début, je savais que ça allait mal se terminer. Mais je ne savais ni où, ni quand. Et encore moins comment. Et même si quelqu'un me l'avait dit, ça n'aurait rien changé."
60 piges - 25 de cabane - 15 de cavale. D'après une histoire vraie
Condamné pour des faits de grand banditisme, Jean-Claude Pautot a raconté la prison, les braquages, les planques et les cavales à Laurent Astier. Dans la tradition des grands auteurs américains, ils ont forgé une fiction inspirée directement du réel.
Une bande dessinée forte comme une vie !
"Mon métier est inscrit dans mon casier : braqueur multirécidiviste. C'est la seule chose que je sais faire. Depuis le début, je savais que ça allait mal se terminer. Mais je ne savais ni où, ni quand. Et encore moins comment. Et même si quelqu'un me l'avait dit, ça n'aurait rien changé."
Album
19,95 €
29/03/2017
Casterman
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29/03/2017
Casterman
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Tatie a écrit:C’est un tribunal que l’on ne voit jamais. Une salle d’audience nichée au cœur du palais de justice de Paris.
Chaque mois, en petit comité, sont examinés des histoires d’hommes et de femmes qui ont été incarcérés dans des prisons françaises avant d’être totalement blanchis.
Un chèque en forme d’excuses officielles leur est parfois remis mais pas toujours tant les règles sont dures.
Le journaliste Mathieu Delahousse* a assisté pendant un an à ses audiences
particulières, où se jouent des parties judiciaires parfois d’une cruauté glaçante.
*Mathieu Delahousse, journaliste, spécialiste des affaires judiciaires à l'Obs, auteur du livre "La chambre des innocents" qui paraît le 12 avril aux éditions Flammarion
J'ai profité que j'étais coincé quelques heures dans un train pour commencer ce livre, j'en suis presque venu a bout. il me manque une soixantaine de pages.
c'est technique, on y apprend le prix moyen pour une détention injustifiée, on y apprends que parfois on peut même modifier l'accusation pour justifier le temps passé en préventive. On y voit le ministère public se comporter comme un comptable mesquin. Il faut savoir que cela existe et qu'en moyenne on est à 60€ par jour de détention injustifiée. On y apprend qu'il faut que les avocats fassent des factures détaillées, rien de bien ragoutant sur la misère de notre société quand elle se plante.
Invité- Invité
Re: [Livres] Proposition de lecture.
La surveillance électronique pénale
Son statut, son sens, ses effets
Son statut, son sens, ses effets
Editions Bréal - Collection : Hors collection Bréal
- mai 2017
Livre papier 7€90
- mai 2017
Livre papier 7€90
Écrit par un spécialiste des pénalités contemporaines et praticien de la criminologie appliquée, cet ouvrage propose une description minutieuse des rouages des dispositifs de la surveillance électronique pénale.
Distinguant les différentes formes juridiques, pénitentiaires et pratiques de la surveillance électronique actuelle (PSE, PSEM et ARSE), l’auteur décortique et évalue son statut, son sens et ses effets à l’égard des porteurs du bracelet eux-mêmes, qu’on nomme en France les « placés ».
Outre la matérialisation de la nature de cette surveillance particulière, l’apport instructif de ce livre réside à la fois dans une immersion au cœur des pratiques du contrôle pénal d’aujourd’hui, et dans l’exposition des conséquences d’un enfermement devenu structurel et élargi à la société.
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
L’évasion: une BD sur le thème carcéral
Berthet One -2011
Berthet One -2011
«L Evasion» est une BD écrite et dessinée en prison par Berthet One, qui nous invite dans l'univers carcéral. Une succession de tranches vie vécues et racontées par le dessinateur, Berthet One. L incarcération, la vie au sein de la prison avec les co-détenus et les matons, les visites au parloir, les cours... Rien n échappe au petit oeil malin de notre héros qui nous raconte ses aventures avec humour et décalage.
«L Evasion», ou la plongée dans le quotidien du taulard, vue de l'intérieur...
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Vive la liberthet ! L'Evasion T.02
de Berthet One
de Berthet One
Berthet One revient avec le second tome de L’Évasion ! Cette fois, l’auteur brosse un tableau truculent de la réinsertion des taulards, ce chemin semé d’embûches. Il décrit avec humour la réalité de ces portes qui se ferment et, parfois, de ces lucarnes qui s’entrouvrent.
Tout le monde y passe : les codétenus, les collégiens de l’établissement où Berthet est amené à travailler, son agent de probation et les éventuels employeurs d’ex-détenus… Le tout administré avec une sacrée dose d’ironie parsemée d’autodérision.
Le trait caractéristique de Berthet est également au rendez-vous, avec ses influences graphiques venues de Fluide Glacial, du hip-hop et de la culture graff, et qui l’inscrivent dans les pas d’un Robert Crumb à la sauce cité.
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
La justice des mineurs a deux missions : la protection des jeunes en danger et la poursuite des infractions commises. C'est l'ordonnance du 2 février 1945 qui en a établi les principes modernes en proclamant la prééminence de l'éducatif sur le répressif afin de favoriser l'insertion sociale des délinquants.
Cet ouvrage préfacé par la juge des enfants Evelyne Monpierre décrit la longue histoire de cette justice spécialisée. Il évoque les prisons et les bagnes pour enfants, il présente les formes de délinquance, les types de mesures et de sanctions, dont les mesures de réparation et les alternatives aux poursuites qui sont majoritairement prises. Il met en lumière le rôle du juge des enfants, qui dit la loi, la fait appliquer, tout en étant à l'écoute des enfants et des familles. Enfin, il présente les actions de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), à laquelle les mineurs sont confiés, et le rôle des éducateurs. Des missions d'hommes et de femmes qui font de la justice des mineurs une des plus belles institutions françaises.
Un peu d'histoire...
DEPUIS QUAND EXISTE-T-IL UNE JUSTICE DES MINEURS ?
Préface : Evelyne Monpierre
Date : 16/06/2017
Genre : Droit
Editeur : Nane Editions, Paris, France
Collection : Les collections du citoyen. Monde & société
Prix : 9.00 €
Date : 16/06/2017
Genre : Droit
Editeur : Nane Editions, Paris, France
Collection : Les collections du citoyen. Monde & société
Prix : 9.00 €
Cet ouvrage préfacé par la juge des enfants Evelyne Monpierre décrit la longue histoire de cette justice spécialisée. Il évoque les prisons et les bagnes pour enfants, il présente les formes de délinquance, les types de mesures et de sanctions, dont les mesures de réparation et les alternatives aux poursuites qui sont majoritairement prises. Il met en lumière le rôle du juge des enfants, qui dit la loi, la fait appliquer, tout en étant à l'écoute des enfants et des familles. Enfin, il présente les actions de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), à laquelle les mineurs sont confiés, et le rôle des éducateurs. Des missions d'hommes et de femmes qui font de la justice des mineurs une des plus belles institutions françaises.
Un peu d'histoire...
DEPUIS QUAND EXISTE-T-IL UNE JUSTICE DES MINEURS ?
La justice des mineurs française s'inscrit dans une continuité historique... de plus de 2000 ans !
On parle de «justice des mineurs» lorsque les juges n'appliquent pas la loi de la même manière selon que la personne qui a commis une faute est un jeune ou un adulte. Or, déjà dans le droit de la Rome antique, se trouvait posé l'un des principes fondamentaux de notre justice des mineurs actuelle : l'idée de l'atténuation de la punition pour un enfant. Ainsi, dès 449 av. J.-C, la loi des XII Tables punissait différemment en fonction de l'âge : parmi les enfants reconnus coupables d'avoir commis un acte répréhensible, les enfants impubères, c'est-à-dire les plus jeunes, bénéficiaient de peines plus légères que leurs camarades plus âgés.
Sous l'Ancien Régime, la définition des trois groupes d'âge (moins de 7 ans, de 7 à 14 ans, au-delà de 14 ans) a prévalu, et les tribunaux sanctionnaient les enfants différemment selon leur appartenance à ces groupes d'âge. Dans la pratique, les juges punissaient les jeunes un peu selon leur bon vouloir, que ce soit dans le sens d'une plus grande sévérité ou dans celui d'une plus grande clémence. Ainsi, le droit criminel antérieur à la révolution de 1789 permettait-il de condamner un enfant à partir de l'âge de 7 ans pour une peine pouvant aller jusqu'à la mort, la prison à vie ou la déportation. Les enfants étaient soumis à l'arbitraire du juge, mais ils étaient aussi totalement dépendants de l'autorité paternelle. La puissance paternelle était exercée sans limitation : les parents pouvaient faire incarcérer leurs enfants sans justification et sans décision de justice si telle était leur décision.
Avec la Révolution française, dans l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, apparaît une nouvelle conception de la justice des enfants. En 1791, le premier Gode pénal* est promulgué. Il crée une justice des mineurs qui pose un principe nouveau : la notion de «discernement», c'est-à-dire la conscience, au moment des faits, du caractère condamnable des actes.
Cette notion sera reprise dans les Codes pénaux de 1791 et 1810, qui fixeront à 16 ans l'âge de la majorité pénale, c'est-à-dire l'âge à partir duquel un délinquant relève du droit pénal commun appliqué aux adultes. Elle demeure dans le droit français d'aujourd'hui. Enfin, c'est aussi à partir de 1810 que les peines de prison seront divisées par deux pour les mineurs jugés capables de discernement, par rapport à celles infligées aux majeurs.
Au début du XIXe siècle, vers les années 1820-1830, émerge l'idée qu'il existe une «délinquance juvénile», distincte de la délinquance des adultes. On parle alors d'une enfance «vicieuse» : des voleurs, des vagabonds, des enfants oisifs perçus comme menaçants, et qui peuvent être envoyés en prison.
On parle de «justice des mineurs» lorsque les juges n'appliquent pas la loi de la même manière selon que la personne qui a commis une faute est un jeune ou un adulte. Or, déjà dans le droit de la Rome antique, se trouvait posé l'un des principes fondamentaux de notre justice des mineurs actuelle : l'idée de l'atténuation de la punition pour un enfant. Ainsi, dès 449 av. J.-C, la loi des XII Tables punissait différemment en fonction de l'âge : parmi les enfants reconnus coupables d'avoir commis un acte répréhensible, les enfants impubères, c'est-à-dire les plus jeunes, bénéficiaient de peines plus légères que leurs camarades plus âgés.
Sous l'Ancien Régime, la définition des trois groupes d'âge (moins de 7 ans, de 7 à 14 ans, au-delà de 14 ans) a prévalu, et les tribunaux sanctionnaient les enfants différemment selon leur appartenance à ces groupes d'âge. Dans la pratique, les juges punissaient les jeunes un peu selon leur bon vouloir, que ce soit dans le sens d'une plus grande sévérité ou dans celui d'une plus grande clémence. Ainsi, le droit criminel antérieur à la révolution de 1789 permettait-il de condamner un enfant à partir de l'âge de 7 ans pour une peine pouvant aller jusqu'à la mort, la prison à vie ou la déportation. Les enfants étaient soumis à l'arbitraire du juge, mais ils étaient aussi totalement dépendants de l'autorité paternelle. La puissance paternelle était exercée sans limitation : les parents pouvaient faire incarcérer leurs enfants sans justification et sans décision de justice si telle était leur décision.
Avec la Révolution française, dans l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, apparaît une nouvelle conception de la justice des enfants. En 1791, le premier Gode pénal* est promulgué. Il crée une justice des mineurs qui pose un principe nouveau : la notion de «discernement», c'est-à-dire la conscience, au moment des faits, du caractère condamnable des actes.
Cette notion sera reprise dans les Codes pénaux de 1791 et 1810, qui fixeront à 16 ans l'âge de la majorité pénale, c'est-à-dire l'âge à partir duquel un délinquant relève du droit pénal commun appliqué aux adultes. Elle demeure dans le droit français d'aujourd'hui. Enfin, c'est aussi à partir de 1810 que les peines de prison seront divisées par deux pour les mineurs jugés capables de discernement, par rapport à celles infligées aux majeurs.
Au début du XIXe siècle, vers les années 1820-1830, émerge l'idée qu'il existe une «délinquance juvénile», distincte de la délinquance des adultes. On parle alors d'une enfance «vicieuse» : des voleurs, des vagabonds, des enfants oisifs perçus comme menaçants, et qui peuvent être envoyés en prison.
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
La famille à l'épreuve de la prison
Caroline Touraut, Le lien social, 293 pages,
2012, 32€
Caroline Touraut, Le lien social, 293 pages,
2012, 32€
Loin de ne concerner que les détenus, la peine d’emprisonnement s’impose aussi à leur famille. L'enquête menée en France auprès de proches de détenus permet de mesurer l’ampleur des dommages sociaux, économiques, relationnels et identitaires auxquels ils sont confrontés. Aborder l’incarcération du point de vue des proches de détenus offre un autre regard sur l’institution carcérale et sur ses frontières. L’incarcération ne marque pas toujours la fin des histoires conjugales et familiales, des liens résistent à la détention, se cimentent, ou naissent parfois. Les soutiens et les échanges qui s’observent malgré les murs sont multiples. Cependant, les relations entre les détenus et leurs familles sont aussi empreintes de tensions, de silences, de mensonges et de doutes
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Auteurs : Serge Portelli, Marine Chanel
Editeur : Grasset Et Fasquelle
Editeur : Grasset Et Fasquelle
Petit extrait du livre :
A la sortie de prison, une autre existence commence. Quatorze personnes qui ont passé de longues périodes en prison, jusqu’à 26 ans, ont accepté de nous parler. Ces périodes de vie renseignent sur les changements possibles d’un individu et sa capacité à s’extraire de la délinquance, ce que l’on appelle la « désistance ». Quatorze personnes : hommes, femmes, condamnés pour meurtre, terrorisme, détournements, agressions sexuelles, trafic de stupéfiants… Le discours est livré avec ses aspérités, ses émotions, ses réflexions. Nous suivons des parcours pleins d’accidents, parfois chaotiques. Mais au détour de la prison, aux effets souvent délétères, voire mortifères, peut survenir un déclic qui changera le cours d’une existence. La confrontation à la loi, une rencontre, une prise de conscience, la disparition d’un proche, la découverte de soi. A l’issue de cette longue écoute, naît une certitude : rien ne pourra être fait de valable si cette parole n’est pas entendue. Elle permet de ne plus considérer ces individus comme des étrangers à notre société. Cette écoute est une nécessité pour que les institutions soient efficaces. Afin que le lecteur puisse s’orienter, le livre propose entre chaque portrait-témoignage, quatorze chapitres, apportant une information précise, actualisée et objective sur cette vie après la peine : la récidive, les suivis judiciaires, les longues peines, la réinsertion, le suivi des délinquants sexuels, la place de la victime. Sont abordées également des problématiques nouvelles telles que la désistance ou la justice réparatrice.
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
La sexualité en prison de femmes
Une enquête menée auprès de 80 détenues et de 73 acteurs carcéraux dans sept prisons françaises. Elle révèle la réalité de la sexualité des femmes incarcérées, du désir à l'abus en passant par la transgression ou la place de la maternité
Auteur(s) : Myriam Joël
Edition : Presses de Sciences Po
Date de parution : 31/08/2017
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Mauvaise graine, Deux siècles d’histoire de la justice des enfants
L’ouvrage Mauvaise graine : deux siècles d’histoire de la justice des enfants, paraîtra le 13 septembre 2017 aux éditions Textuel.
Premier panorama de la justice des enfants sur la longue durée, l’ouvrage « Mauvaise graine : deux siècles d’histoire de la justice des enfants », propose un débat d’actualité nourri par l’analyse d’historiens et par des témoignages d’époque. L’ouvrage est enrichi des collections uniques (photographies de l'administration, écrits d’enfants reclus, de juges, d’éducateurs et de médecins) du centre d’exposition historique de Savigny-sur-Orge, rattaché au service de la recherche et de la documentation (SRD) de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse.
De mauvaise graine à racaille : les mots changent, la stigmatisation perdure.
Mauvaises graines, apaches, voyous, blousons noirs, racailles : les mots changent, la stigmatisation perdure pour qualifier les mêmes rejetons des classes laborieuses. Depuis deux siècles, les mentalités oscillent entre punir et éduquer.
L’invention des lieux de punition réservés aux enfants débute en 1836 avec la Petite Roquette à Paris, première et unique prison pour enfants. Suivie en 1850 des maisons de correction et colonies pénitentiaires dénoncées près d’un siècle plus tard par Jacques Prévert comme des bagnes d’enfants.
Au tournant du siècle, un discours scientifique et médical défend l’idée d’une hérédité du crime et appelle à durcir les modalités d’enfermement. Ce n’est qu’à la Libération que naît dans l’opinion un consensus en faveur de la priorité de l’éducatif sur le répressif. Si les Trente glorieuses saluent la montée des baby-boomers, une autre jeunesse fait peur, caricaturée par les médias : les bandes de Blousons noirs. Au lendemain de mai 68, ce sont les travailleurs sociaux eux-mêmes qui dénoncent les foyers éducatifs comme étant avant tout des lieux de répression et de discipline.
Véronique Blanchard, co-auteure de Mauvaises filles (Textuel, 2016) est docteure en histoire et responsable du Centre d’exposition « Enfants en justice » à Savigny-sur-Orge.
Mathias Gardet est historien, professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université Paris 8. Ses recherches portent sur les politiques sociales à l’égard de l’enfance et de la jeunesse. Il est l’auteur de Les Colonies de vacances (Le Cherche midi, 2014) et Histoire d’une jeunesse en marge (Textuel, 2016).
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
ITV suite au livre ci-dessus
Justice des mineurs: «L'alternative à l'incarcération semble impossible à penser»
INTERVIEW Deux historiens ont décortiqué deux siècles de traitements judiciaires appliqués aux enfants dans l'ouvrage «Mauvaise graine» publié ce mercredi 13 septembre...
Comment la France juge-t-elle ses enfants ? Pour tenter de répondre à cette question, les historiens Véronique Blanchard et Mathias Gardet se sont plongés dans près de deux cents ans d’archives juridiques, médicales et culturelles. Ces deux spécialistes du monde judiciaire en ont tiré un ouvrage riche et fascinant, Mauvaise graine - Deux siècles d’histoire de la justice des enfants, publié ce mercredi 13 septembre.
« Enfant honnête » contre « petit voleur », « apaches », « blousons noirs », « racaille », leur travail livre le regard souvent brutal porté sur ces mineurs délinquants par une société qui a toujours oscillé entre volonté d'« éduquer » et nécessité de « punir ». Une analyse historique pour mettre en perspective une problématique toujours contemporaine. Mardi, le journal Le Monde révélait l'explosion, en un an, du nombre de mineurs incarcérés. Entre 2016 et 2017, le nombre d'enfants détenus aurait progressé de 16,6%. Une première en quinze ans.
Véronique Blanchard, coauteure de cette publication et responsable du centre d’exposition « Enfants en justice » à Savigny-sur-Orge, détaille pour 20 Minutes l'objet de son projet.
Comment est née l’idée du livre et à partir de quelles archives avez-vous travaillé ?
C‘est un travail de longue haleine, cela fait dix ans que nous travaillons, Mathias Gardet et moi sur ce sujet, notamment dans le cadre du centre d’exposition « Enfants en justice ». C’est un lieu unique en France qui retrace l’Histoire de la justice des enfants et qui accueille des publics variés.
Nous souhaitions tous les deux qu’il y ait un ouvrage de référence, grand public, avec des images, des archives sur le sujet. Nous avons eu accès à plusieurs documents appartenant au ministère de la Justice et les éditions Textuel nous ont également donné accès à quelques pépites, comme ces dessins d’enfants placés dans des centres d’observations dans les années 50.
Dessin d'un enfant placé au centre d'observation public de l'Education surveillée de Savigny-sur-Orge en 1950.
L’un des constats marquants de votre ouvrage, c’est la dépendance constante des autorités à l’incarcération ou à l’enfermement…
L’incarcération fait profondément partie des modes de régulations des populations en France. Nous sommes l’un des rares pays d’Europe où jamais nous n'avons tenté de ne pas incarcérer les mineurs. Certains Etats ont arrêté de recourir à la prison à un moment donné. L’alternative à l’incarcération, même pour les enfants, semble ici impossible à penser.
C’est ce que nous voulions montrer, notamment parce que le grand public ne sait pas forcément qu’en France, on peut placer en détention un mineur dès l’âge de 13 ans. Les archives montrent par ailleurs qu’il y a eu des périodes d’ouverture mais la prison ou les centres fermés restent une vieille habitude française dont on a du mal à se départir et ce malgré la volonté de certains acteurs judiciaires et éducatifs.
Votre livre souligne également un paradoxe entre la nécessité de protection d’enfants « des classes laborieuses » et la peur qu’ils inspirent à l’Etat…
C’est un balancier très complexe entre « enfance en danger » et « enfant dangereux », qui penche vers une thèse ou vers une autre en fonction du contexte ou des autorités qui gouvernent. Le panorama que nous faisons sur deux cents ans montre tout de même que l’enfant perçu comme « dangereux » l’emporte et l’a emporté plus régulièrement sur l’opinion publique que la nécessité de protéger l’enfant.
Or ce sont souvent les mêmes enfants, avec le même mal-être, les mêmes difficultés psychologiques, sociales et familiales. Certains vont fuguer, d’autres vont voler. Dans les années 1950 ou 1970, l’opinion pouvait l’entendre et à d’autres périodes, à la fin du 19e siècle ou dans les années 2000, le constat était plus caricatural.
S’agit-il à vos yeux d’un livre politique ?
Non, c’est un livre d’Histoire. La délinquance juvénile et les réponses apportées s’articulent en différents cycles. Nous avons voulu montrer comment le passé peut permettre de réfléchir aux problématiques actuelles, aussi complexes soient-elles. C’est cela qui nous intéresse
Justice des mineurs: «L'alternative à l'incarcération semble impossible à penser»
INTERVIEW Deux historiens ont décortiqué deux siècles de traitements judiciaires appliqués aux enfants dans l'ouvrage «Mauvaise graine» publié ce mercredi 13 septembre...
Comment la France juge-t-elle ses enfants ? Pour tenter de répondre à cette question, les historiens Véronique Blanchard et Mathias Gardet se sont plongés dans près de deux cents ans d’archives juridiques, médicales et culturelles. Ces deux spécialistes du monde judiciaire en ont tiré un ouvrage riche et fascinant, Mauvaise graine - Deux siècles d’histoire de la justice des enfants, publié ce mercredi 13 septembre.
« Enfant honnête » contre « petit voleur », « apaches », « blousons noirs », « racaille », leur travail livre le regard souvent brutal porté sur ces mineurs délinquants par une société qui a toujours oscillé entre volonté d'« éduquer » et nécessité de « punir ». Une analyse historique pour mettre en perspective une problématique toujours contemporaine. Mardi, le journal Le Monde révélait l'explosion, en un an, du nombre de mineurs incarcérés. Entre 2016 et 2017, le nombre d'enfants détenus aurait progressé de 16,6%. Une première en quinze ans.
Véronique Blanchard, coauteure de cette publication et responsable du centre d’exposition « Enfants en justice » à Savigny-sur-Orge, détaille pour 20 Minutes l'objet de son projet.
Comment est née l’idée du livre et à partir de quelles archives avez-vous travaillé ?
C‘est un travail de longue haleine, cela fait dix ans que nous travaillons, Mathias Gardet et moi sur ce sujet, notamment dans le cadre du centre d’exposition « Enfants en justice ». C’est un lieu unique en France qui retrace l’Histoire de la justice des enfants et qui accueille des publics variés.
Nous souhaitions tous les deux qu’il y ait un ouvrage de référence, grand public, avec des images, des archives sur le sujet. Nous avons eu accès à plusieurs documents appartenant au ministère de la Justice et les éditions Textuel nous ont également donné accès à quelques pépites, comme ces dessins d’enfants placés dans des centres d’observations dans les années 50.
Dessin d'un enfant placé au centre d'observation public de l'Education surveillée de Savigny-sur-Orge en 1950.
L’un des constats marquants de votre ouvrage, c’est la dépendance constante des autorités à l’incarcération ou à l’enfermement…
L’incarcération fait profondément partie des modes de régulations des populations en France. Nous sommes l’un des rares pays d’Europe où jamais nous n'avons tenté de ne pas incarcérer les mineurs. Certains Etats ont arrêté de recourir à la prison à un moment donné. L’alternative à l’incarcération, même pour les enfants, semble ici impossible à penser.
C’est ce que nous voulions montrer, notamment parce que le grand public ne sait pas forcément qu’en France, on peut placer en détention un mineur dès l’âge de 13 ans. Les archives montrent par ailleurs qu’il y a eu des périodes d’ouverture mais la prison ou les centres fermés restent une vieille habitude française dont on a du mal à se départir et ce malgré la volonté de certains acteurs judiciaires et éducatifs.
Votre livre souligne également un paradoxe entre la nécessité de protection d’enfants « des classes laborieuses » et la peur qu’ils inspirent à l’Etat…
C’est un balancier très complexe entre « enfance en danger » et « enfant dangereux », qui penche vers une thèse ou vers une autre en fonction du contexte ou des autorités qui gouvernent. Le panorama que nous faisons sur deux cents ans montre tout de même que l’enfant perçu comme « dangereux » l’emporte et l’a emporté plus régulièrement sur l’opinion publique que la nécessité de protéger l’enfant.
Or ce sont souvent les mêmes enfants, avec le même mal-être, les mêmes difficultés psychologiques, sociales et familiales. Certains vont fuguer, d’autres vont voler. Dans les années 1950 ou 1970, l’opinion pouvait l’entendre et à d’autres périodes, à la fin du 19e siècle ou dans les années 2000, le constat était plus caricatural.
S’agit-il à vos yeux d’un livre politique ?
Non, c’est un livre d’Histoire. La délinquance juvénile et les réponses apportées s’articulent en différents cycles. Nous avons voulu montrer comment le passé peut permettre de réfléchir aux problématiques actuelles, aussi complexes soient-elles. C’est cela qui nous intéresse
20minutes-13/09/17
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Tatie a écrit:La sexualité en prison de femmes
Une enquête menée auprès de 80 détenues et de 73 acteurs carcéraux dans sept prisons françaises. Elle révèle la réalité de la sexualité des femmes incarcérées, du désir à l'abus en passant par la transgression ou la place de la maternité
Auteur(s) : Myriam Joël
Edition : Presses de Sciences Po
Date de parution : 31/08/2017
Une sociologue a interrogé 80 femmes détenues pour répondre à cette question, peu étudiée : comment se vit la sexualité en prison de femmes ? Entretien.
Comment se vit la sexualité en prison de femmes ? Myriam Joël, docteure en sociologie, a consacré sa thèse à cette interrogation pas ou peu étudiée auparavant.
On dit que la prison est un miroir grossissant de ce qu'on peut observer dans le monde libre. Il en est de même en ce qui concerne la sexualité. L'univers carcéral est un "puissant relais du modèle contemporain de sexualité féminine légitime", écrit Myriam Joël.
Pendant deux ans, la docteure en sociologie a interrogé de manières régulière 80 détenues, réparties dans sept établissements pénitentiaires. Des femmes de tous âges, incarcérées depuis une semaine ou quinze ans, ont accepté de s'ouvrir à elle sur ce sujet intime.
"Il y a celles qui balancent tout au premier entretien ; celles qui sont dans une optique de témoignage, de rébellion ou celles qui ont absolument voulu parler d'abord d’un sujet autre qui leur tenait à cœur", se souvient Myriam Joël. La sociologue est calée sur le conflit basque : c'est à la quatrième rencontre qu'une détenue politique de l'ETA qu'elle suivait a fini par lui parler de sa vie personnelle.
Rue89. Comment la sexualité est-elle encadrée en prison de femmes ?
Myriam Joël. D’un point de vue réglementaire, il y a un seul article du code de procédure pénal qui y fait référence. Il ne contient pas les termes "sexualité" ou "sexe". Il est interdit "d'imposer à la vue d'autrui des actes obscènes ou susceptibles d'offenser la pudeur".
Après, d'une prison à l'autre, les règlements intérieurs diffèrent et il peut y avoir marqué explicitement dedans "les actes sexuels sont interdits au parloir".
Le règlement n’est pas à mon sens ce qui contrôle le plus la sexualité en prison, c’est plutôt la façon dont les agents décident de l’appliquer, au niveau individuel mais aussi au sein d'une équipe. Certains surveillants sont tatillons, d'autres décident de laisser faire et cela peut parfois mener à des frictions entre eux.
Je pense à une prison où l'on considérait que les détenues avaient le droit à leur sexualité. Les surveillants s’étaient mis d’accord pour leur laisser le droit à 30 min ou 1 heure d’intimité dans les parloirs. C'était un choix d’équipe.
Un jour une jeune surveillante est arrivée et a commencé à faire des rondes et à reprendre les détenues, qui étaient très surprises. Ce sont les collègues de la surveillante qui sont allés la voir "ici, on te prévient, ce n’est pas comme ça".
Il y a aussi des directeurs qui peuvent ne pas donner suite au rapport d'un surveillant trop zélé. Je me souviens d’un directeur qui me disait "moi je trouve que mes agents sont trop durs, j’essaie toujours de leur dire de lâcher un peu de mou". Les surveillants le vivaient très mal parce qu’ils n’étaient pas soutenus par leur direction.
C’est pour ça que quand on dit "le monde pénitentiaire", ça peut être trompeur, car les situations sont très disparates.
Vous dites que dans les faits, la sexualité est tolérée si elle n'est pas montrée et vue.
Il y a une invisibilisation, oui. Tout simplement parce que quand il est question de sexe, les gens ne sont pas à l’aise. La plupart des surveillants ou des gradés que j'ai rencontré trouvaient normal que les détenus puissent avoir une sexualité en prison mais ils comptent sur les détenues pour invisibiliser leurs pratiques.
Un gradé me disait "imagine s'il y a des jurés d'assises en visite à la prison et qu’ils voient les détenus se bécoter dans les couloirs, c’est juste impensable. Ils vont se dire 'ils ont la télé et en plus ils se bécotent, ils font ce qu’ils veulent'."
J'ai en tête un exemple emblématique de cette invisibilisation : deux femmes qui sont en couple et qui veulent partager une cellule en maison d'arrêt n'ont pas intérêt à dire qu’elles sont ensemble, mais plutôt "on s’entend très bien", "c’est ma meilleure amie"... On sait très bien qu'elles sont ensemble mais il ne faut pas le dire, ce qui me paraissait une hypocrisie totale.
Et comment la sexualité est-elle tolérée par les codétenues ?
Il y a moins de violence dans les actes, mais il y a énormément d’homophobie en prison pour femmes, y compris entre paires (des invectives, de la délation...).
En prison, il y a aussi beaucoup de fantasmes. Deux détenues se tiennent la main et tout le monde est persuadé qu’elles sont en couple mais en fait ce n'est pas le cas. Il y a beaucoup de chaleur humaine, de tendresse dans les relations, qui sont beaucoup plus acceptées chez les femmes.
Les détenues vous ont-elles parlé spontanément de désir ? Ou est-ce que la prison l’anesthésie ?
Pour beaucoup de détenues, les trajectoires biographiques sexuelles sont douloureuses et plaisir et désir ne sont pas si évidents. Des femmes m'ont dit "je suis trop contente car en prison, plus personne m’emmerde".
On peut penser que plus les années passent, plus les détenues vont être frustrées ou à l’inverse qu'elles ne vont rien ressentir. Dans les résultats de mon enquête on voit plutôt que le désir est très fluctuant, cyclique. Ça va dépendre de ce qu’elles vivent en prison.
Je pense à une détenue en particulier, qui me décrivait des phases très précises. Lors de sa première incarcération, elle s’en voulait énormément d’avoir tué sa copine et m’a dit "je n’avais aucun désir". Elle a été incarcérée 8 ans et pendant 8 ans, rien du tout, alors que c’était hyper important pour elle à l’extérieur. Puis, quand elle a été ré-incarcérée, elle ne s’est pas privée – elle n'avait plus cette même culpabilité à ce moment-là.
Le rapport à l’infraction, le regard qu'elle portent sur leur acte, jouent beaucoup. Des femmes qui "culpabilisent énormément" ne vont pas se donner le droit à avoir du plaisir et même du désir. Ça ne se voit pas seulement sur le sexe (sur la nourriture, entre autres).
La prison n’est pas quelque chose de linéaire. Il y a la maladie d'un proche, la question des enfants... Quand tu es sur le point de voir tes enfants, tu es dans une excitation telle que le cul, tu n'en as rien à faire. Il y a le procès, aussi. Beaucoup me disaient "quand j’ai été condamnée, là, ça a recommencé à surgir".
Le désir et le plaisir, c’est aussi quelque chose qu’on investit quand on a les forces de le faire. Si elles sont toutes entières tournées vers le procès, dans le rapport à l’administration pénitentiaire, il ne reste plus de forces pour la sexualité.
Pour les détenues en longues peines, beaucoup me disaient qu'au fil des années, elles avaient la crainte de plus savoir faire. Parce que ça faisait longtemps qu’elles n’avaient pas pratiqué ou parce qu'en prison, elles avaient pu découvrir les relations homosexuelles, et se trouvaient dans l’indécision concernant la sortie.
"Je viens de me mettre avec une nana mais putain, c’est dur d’être lesbienne dehors." En prison, c’est un petit milieu et tu es quelque part un petit peu protégée. Tu peux dénoncer à un gradé une insulte homophobe, par exemple, alors que dehors…
On lit dans le livre des témoignages de détenues qui appréhendent les moments de permission. Pour celles qui sont en couple, le rapport physique avec l’autre se reconstruit dehors ?
Oui, certaines disaient "c’est une deuxième première fois". Elles le vivent comme ça. Parfois, ça ne fait pas objectivement si longtemps qu'elles sont incarcérées mais elles ont tellement vécues de choses en prison qu’elles ont un rapport au corps très différent...
Elles se voient différemment. Elles n’ont pas le maquillage qu’elles avaient à l’extérieur, elles n’ont plus de tresses, de rajouts ou de perruque parce que c’est interdit en prison... Il y a aussi la prise ou la perte de poids, la peau qui est différente. Le corps bouge énormément en prison.
Je m’en rendais compte car beaucoup me montraient des photos : "Tu me vois comme ça mais je suis beaucoup mieux en vraie."
Beaucoup ne se reconnaissent vraiment pas et ça joue avec le conjoint. "Est-ce qu’il aura encore envie de moi ?" Il y a aussi le spectre de la tromperie qui est très, très présent. La question du désir est une espèce d’ombre qui plane au-dessus. Est-ce qu’on a envie de désirer quelqu'un qu’on suspecte de tromper ? Ces angoisses de tromperie peuvent s’atténuer au fil du temps.
En dehors de celles qui sont vraiment en couple en prison, il y a une espèce de baisse de désir, de baisse de libido assez général pour les détenues condamnées à de très longues peines.
A côté de ça, il y a celles qui ont une vie sexuelle en prison, bien que contrainte. Il y avait deux détenues que je suivais qui sont sorties ensemble en prison. Ça fait trois ans qu’elles sont en couple (et l’une va bientôt sortir).
Il y a des histoires d’amour en prison ? Est-ce que pour certaines il peut y avoir un épanouissement sexuel ?
Oui. C'est triste à dire, et ça interroge. J’ai participé à un colloque au cours duquel j’évoquais la question des détenues qui découvrent le plaisir en prison, par l’homosexualité notamment. Je me suis fait incendier par un ancien détenu qui trouvait très dur que je puisse dire que la prison pouvait avoir ce rôle-là.
Clairement oui, il y a des femmes qui découvrent le plaisir en prison.
Tu as des couples aussi qui peuvent se former et perdurer à l’extérieur. Il peut y avoir des histoires d’amour. C'est compliqué bien sûr et certaines essaient de maintenir leur relation secrète pour éviter les ragots et les histoires... Pour beaucoup de détenues, la prison est un lieu très anxiogène car l’intimité est sous une forme de contrôle, de la part des agents comme des codétenues (voire plus par rapport à ces dernières). C'est dur à gérer psychologiquement.
Il peut y avoir des histoires d’amour en prison mais aussi des déchirements. Cela peut être violent, et ça induit aussi une forme de contrôle de la pénitentiaire.
"Il y en a une, elle s’est pris 30 coups de couteaux", me disait une directrice. Elle prenait cet exemple pour justifier les contrôles qu’ils peuvent exercer sur les couples. Les surveillants, surtout, sont très vigilants sur qui peut être avec qui, pour voir s’il y a une emprise d’une personne sur l’autre, des formes de pressions sexuelles, etc. Elles sont parfois très présentes dans la relation, ce qui peut leur déplaire.
Il y a des femmes qui n’avaient jamais eu de relations homosexuelles à l’extérieur et qui découvrent cette facette de leur sexualité en prison. Quand tu creuses dans leur vie pré-carcérale, en général, tu te rends compte qu’il y avait déjà une attirance et que l’univers carcéral fonctionne comme un accélérateur. Il rend possible quelque chose qui était parfois beaucoup plus difficile à l’extérieur.
Pour certaines, les relations prennent d'abord la forme d'une amitié-amoureuse. Je pense à une détenue, qui me disait qu’elle n'avait jamais eu d’attirance pour les femmes avant. Elle avait vécu une longue histoire d'amitié avec une autre détenue. Elles avaient quasiment une vie de couple, sans actes sexuels (la vie co-cellulaire est quasiment une vie de couple d'ailleurs).
Une fois, elle était dans ses bras quand l'autre l’a embrassée. Elle n'était pas contre, ça s’est fait... Il y a une sorte d’apprivoisement de l’idée. Cela entraine bien sûr des questionnements : est-ce que je vais en parler à ma famille au parloir ? La détenue en question ne le voulait pas, de peur que sa famille lui dise que c'est la prison, qu'elle n'a pas pu résister... Il y a aussi les questionnements identitaires : "Est-ce que je suis bi, lesbienne ? Est-ce que c’est la prison ?"
Dans le livre, vous écrivez que la grande majorité des détenues interrogées ne sont pas favorables aux "parloirs intimes", aménagés comme des chambres, contrairement à d'autres acteurs périphériques de la détention.
Vous citez Maud : "Rien que d'en parler me dégoûte."
Oui, ça m’a beaucoup surprise. En fait, elles trouvent ça dégradants, contrairement aux UVF (unités de vie familiale). Une détenue seulement m'a dit y être favorable – et encore, elle était favorable pour les autres, pas pour elle.
Elles trouvent les parloirs intimes horribles dans la mesure où on sait qu’elles vont avoir un acte sexuel à tel moment de la journée, que le surveillant va arriver à telle heure et qu’elles vont être obligées de chronométrer. Elles peuvent le faire par ailleurs en cellule, si elles ont une copine, mais à partir du moment où c’est inscrit dans la règle, ça leur pose problème.
Vous rapportez aussi que la prison permet, pour certaines femmes, de s'affirmer comme sujet sexuel vis-à-vis du conjoint...
C’est quelque chose de très étonnant, oui. Comme si le rôle fort de l’administration pénitentiaire pouvait devenir un ressort de pouvoir dans une relation...
Certaines détenues me disait "heureusement que la surveillante est là car sinon il se jetterait sur moi".
Lors de ma dernière recherche, sur la prévention et la réduction des risques, j'ai retrouvé exactement la même chose. J’étais dans un centre pour femmes. Certaines se servaient du règlement très strict sur les visites pour que leur compagnon ne vienne pas dans leur chambre.
Je pense à une détenue que je voyais, qui semblait vivre sous une grosse pression de la part de son mari. Je lui demandais, si lors des parloirs collectifs, son mari "essayait". Elle m'a répondu "il aura à la maison". "Il aura." Cette formulation, comme une mise à disposition de son corps...
Cette recherche m’a beaucoup interrogée sur les formes de contrôle et d’auto-contrôle et de protection de quelque chose qui est défaillant par rapport à la sexualité des femmes. Est-ce que c’est censé être le rôle de la prison de protéger sexuellement les femmes ? Ça montre certains dysfonctionnements à l’extérieur.
Certaines femmes prennent conscience en prison de l'emprise de leur compagnon sur elles. Entre détenues, elle se raconte leur histoire de vie dans l’intimité de la cellule. Il y a aussi ce que leur disent les surveillantes, les conseillers pénitentiaires, les soignants...
Le travail, en prison, donne aussi à certaines femmes l'envie de reprendre une activité professionnelle en sortant, pour gagner leur autonomie. "Je ne me laisserai plus marcher sur les pieds."
Plusieurs m'ont dit aussi "la prison, ça m’a sauvée". Sauver, c’est un grand terme... Elles disent ça parce qu'en prison, elles ne se font plus violer, elles ne se font plus battre. Certaines disaient avoir porté plainte plusieurs fois contre leur compagnon, mais n'avoir jamais été entendues... En prison, elles ont la possibilité de divorcer, d'entreprendre des démarches, ce qu’elles ne pouvaient pas faire dehors par crainte de représailles.
Et quand elles sortent, que se passe-t-il ?
Ça a été pour moi une grosse interrogation. J'ai revu trois ou quatre détenues, pour des entretiens informels. Je ne peux pas généraliser mais je sentais que le poids du milieu social, des parents, reprenaient vite le dessus... Paradoxalement, j’avais l’impression que ces femmes avaient plus de ressort de pouvoir sur leur propre corps en prison qu’à l’extérieur
Tatie- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Derrière les murs :
surveiller, punir, réinsérer ?
La place du travail social en prison
Charline Olivier
Editions Erès, 2018, 14€
surveiller, punir, réinsérer ?
La place du travail social en prison
Charline Olivier
Editions Erès, 2018, 14€
La place d’un détenu ne semble jamais la bonne dans l’imaginaire collectif. Face à la même infraction, certains estiment qu’une peine d’emprisonnement ne sera jamais assez longue, quand d’autres l’estimeront inutile. Comment appréhender la réponse carcérale et surtout pour qui : les victimes ou leurs auteurs ? Punir les uns, protéger les autres ? Réinsérer et préparer la sortie ?
Mais comment vit-on dans une prison ? Quels sont les droits et les devoirs d’un détenu ? d’un surveillant ? de l’administration pénitentiaire ? d’un travailleur social ?
Charline Olivier introduit le lecteur dans l’univers carcéral et raconte la manière dont elle exerce sa fonction d’assistante sociale dans le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Dans un récit à la première personne, elle brosse le portrait de détenus qui demandent son aide. Elle montre comment elle contribue à créer un espace de sécurité psychique propice à la réflexion sur le passage à l’acte délictueux, à maintenir les liens avec les proches et avec l’extérieur de la prison (aide aux démarches administratives, et autres).
A propos de l'auteur
Charline Olivier est travailleur social depuis dix-sept ans. Elle a été assistante de service social pendant douze ans dans un centre d’action sociale, sur un quartier sensible. Après avoir exercé des missions pour le tribunal et la gendarmerie, elle a travaillé deux ans dans un service pénitentiaire d’insertion et de probation, dans une prison d’hommes (Rennes). Aujourd'hui, elle exerce au sein d'une association auprès de sortants de prison.
Tatie- V.I.P.
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[livres] Proposition de lecture
"Passés par la case prison"
"Passés par la case prison" est issu de la rencontre entre huit anciens détenus et huit écrivains : Olivier Brunhes, Philippe Claudel, Marie Darrieussecq, Virginie Despentes, Nancy Huston, Mohamed Kacimi, Pierre Lemaitre et Gérard Mordillat. De ces rencontres sont nés huit textes, en forme de portraits, ou de tranches de vie. Des récits qui montrent la complexité des histoires, des contextes et des raisonnements singuliers qui mènent derrière les barreaux et bousculent les représentations.
C « mène une vie agréable mais […] s’ennuie un peu, cherche des émotions plus nerveuses que celles qui lui offre un travail stable, se met à déraper, découvre combien la peur peut-être un stupéfiant sans limite, finalement tente un gros coup, sans haine ni violence comme disait l’autre, se fait prendre. Fin de l’aventure. » (Matière de l’humain par Philippe Claudel).
Des histoires où la vie bascule. M, coiffeuse de profession, victime de violences conjugales depuis dix huit ans : « En sortant de la chambre, j’ai vu la carabine. En une fraction de seconde, je suis rentrée dans la chambre, j’ai pris la carabine et j’ai tiré plusieurs fois »
(« Excusez-moi mais je voulais qu’il soit bien mort » par Nancy Huston).
Des contextes de misère économique ou affective : « Il suffit de regarder autour de soi, la salle à manger, le carrelage cassé, le poêle, les couvertures dépareillées sur le canapé hors d’âge, tout me ramène à Zola. Un siècle plus tard… » écrit Pierre Lemaitre accueilli chez V, incarcérée pour conduite en état alcoolique. Et l’école qui exclut. Y, désigné comme un « bon à rien » dans sa famille, puis à l’école, a trouvé dans la bande de jeunes « voyous » un moyen d’exister. « Tout commence un été, Y voulait quitter son quartier qu’il ne quittait jamais, il voulait voir la mer, s’offrir des vacances comme tous ceux de son âge. Avec des copains ils ont volé une voiture et filé droit vers l’Océan. Ils se sont fait prendre à la Baule et les vacances au soleil se son achevées à l’ombre »
(« A des fins de vertus » par Gérard Mordillat).
Ces textes nous confrontent à nos propres tabous et limites aussi. « Je dois écrire sur un silence et je ne sais pas si le silence peut s’écrire » : ainsi, Olivier Brunhes dit son trouble face à A, l’homme direct et droit qui se livre à lui, qui parle à travers lui, condamné pour violences sexuelles sur mineur. « Cet homme, celui dont je dresse le portrait, n’a plus sa place dans la communauté des hommes ».
Mais surtout ils dévoilent l’impact de l’incarcération sur une vie et, par ricochet, sur toute une famille. Et nous forcent à nous interroger sur le sens de cet enfermement qui désocialise plus qu’il ne réinsère et humilie plus qu’il ne répare. « La justice, telle que je l’ai connue ne laisse pas la place pour se sentir coupable ou responsable. Elle ne laisse la place qu’à la rage. Comment avoir des remords, quand la violence du système parait pire que les actes commis ? » dit S dans le récit biographique de Marie Darrieussecq
(« J’aurai voulu être avocat »).
Au fil des 224 pages...
->Une préface de Robert Badinter
->Des extraits d’entretiens avec les huit personnes qui furent condamnées
->Les textes des écrivains qu’elles ont rencontrés. Ils nous rapprochent de la vérité crue, celle de l’humain derrière le fait divers
->Des encarts informatifs sur la prison ou la justice, en lien avec chaque histoire
->Les photos de Dorothy-Shoes prises au cours d’ateliers avec des personnes détenues, et celles de Philippe Castetbon avec les huit protagonistes du livre
Lien pour commander ce livre : https://oip.org/publication/passes-par-la-case-prison/
"Passés par la case prison" est issu de la rencontre entre huit anciens détenus et huit écrivains : Olivier Brunhes, Philippe Claudel, Marie Darrieussecq, Virginie Despentes, Nancy Huston, Mohamed Kacimi, Pierre Lemaitre et Gérard Mordillat. De ces rencontres sont nés huit textes, en forme de portraits, ou de tranches de vie. Des récits qui montrent la complexité des histoires, des contextes et des raisonnements singuliers qui mènent derrière les barreaux et bousculent les représentations.
C « mène une vie agréable mais […] s’ennuie un peu, cherche des émotions plus nerveuses que celles qui lui offre un travail stable, se met à déraper, découvre combien la peur peut-être un stupéfiant sans limite, finalement tente un gros coup, sans haine ni violence comme disait l’autre, se fait prendre. Fin de l’aventure. » (Matière de l’humain par Philippe Claudel).
Des histoires où la vie bascule. M, coiffeuse de profession, victime de violences conjugales depuis dix huit ans : « En sortant de la chambre, j’ai vu la carabine. En une fraction de seconde, je suis rentrée dans la chambre, j’ai pris la carabine et j’ai tiré plusieurs fois »
(« Excusez-moi mais je voulais qu’il soit bien mort » par Nancy Huston).
Des contextes de misère économique ou affective : « Il suffit de regarder autour de soi, la salle à manger, le carrelage cassé, le poêle, les couvertures dépareillées sur le canapé hors d’âge, tout me ramène à Zola. Un siècle plus tard… » écrit Pierre Lemaitre accueilli chez V, incarcérée pour conduite en état alcoolique. Et l’école qui exclut. Y, désigné comme un « bon à rien » dans sa famille, puis à l’école, a trouvé dans la bande de jeunes « voyous » un moyen d’exister. « Tout commence un été, Y voulait quitter son quartier qu’il ne quittait jamais, il voulait voir la mer, s’offrir des vacances comme tous ceux de son âge. Avec des copains ils ont volé une voiture et filé droit vers l’Océan. Ils se sont fait prendre à la Baule et les vacances au soleil se son achevées à l’ombre »
(« A des fins de vertus » par Gérard Mordillat).
Ces textes nous confrontent à nos propres tabous et limites aussi. « Je dois écrire sur un silence et je ne sais pas si le silence peut s’écrire » : ainsi, Olivier Brunhes dit son trouble face à A, l’homme direct et droit qui se livre à lui, qui parle à travers lui, condamné pour violences sexuelles sur mineur. « Cet homme, celui dont je dresse le portrait, n’a plus sa place dans la communauté des hommes ».
Mais surtout ils dévoilent l’impact de l’incarcération sur une vie et, par ricochet, sur toute une famille. Et nous forcent à nous interroger sur le sens de cet enfermement qui désocialise plus qu’il ne réinsère et humilie plus qu’il ne répare. « La justice, telle que je l’ai connue ne laisse pas la place pour se sentir coupable ou responsable. Elle ne laisse la place qu’à la rage. Comment avoir des remords, quand la violence du système parait pire que les actes commis ? » dit S dans le récit biographique de Marie Darrieussecq
(« J’aurai voulu être avocat »).
Au fil des 224 pages...
->Une préface de Robert Badinter
->Des extraits d’entretiens avec les huit personnes qui furent condamnées
->Les textes des écrivains qu’elles ont rencontrés. Ils nous rapprochent de la vérité crue, celle de l’humain derrière le fait divers
->Des encarts informatifs sur la prison ou la justice, en lien avec chaque histoire
->Les photos de Dorothy-Shoes prises au cours d’ateliers avec des personnes détenues, et celles de Philippe Castetbon avec les huit protagonistes du livre
Lien pour commander ce livre : https://oip.org/publication/passes-par-la-case-prison/
Atipika- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Lol mo j'aime pa lire
t0mas- Membre actif
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
Bonjour t0mas, on propose des idées de lecture mais on n'oblige personne à le faire...Bonne journée.
Atipika- V.I.P.
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Re: [Livres] Proposition de lecture.
PRÉVENTE / SOUTIEN
Cet ouvrage sera disponible le 17 janvier 2019.
Pour soutenir les éditions Libertalia,
vous pouvez le commander maintenant
sur notre librairie en ligne,
il vous sera envoyé dès sa parution.
« La prison doit cesser d’exister. En ce début du XXIe siècle, elle reste un vestige d’autres temps et d’autres mœurs. Elle demeure avec son cortège de misère et de haine. Espace de la non-vie et du non-droit, cet archaïsme barbare reste un lieu de destruction systématique de l’individu. Il faut modifier les esprits, toucher les causes profondes qui font qu’elle demeure, alors que le constat de son échec n’est plus à faire. »
Si l’on devait analyser la prison à l’aune de son efficacité, elle disparaîtrait immédiatement. Dans cet essai, l’auteur s’interroge sur son origine et ses finalités, sur les alternatives anciennes et récentes à l’incarcération, sur la médiation et la réparation. Il prône l’abolition de cette institution et démontre qu’elle est réalisable dès aujourd’hui.
L’AUTEUR
Jacques Lesage de La Haye, psychanalyste, ancien détenu, a notamment écrit La Guillotine du sexe (L’Atelier). Il anime l’émission « Ras les murs », sur Radio libertaire, et combat les sociétés d’enfermement depuis quelque cinquante ans.
Cet ouvrage sera disponible le 17 janvier 2019.
Pour soutenir les éditions Libertalia,
vous pouvez le commander maintenant
sur notre librairie en ligne,
il vous sera envoyé dès sa parution.
L’ABOLITION DE LA PRISON
« La prison doit cesser d’exister. En ce début du XXIe siècle, elle reste un vestige d’autres temps et d’autres mœurs. Elle demeure avec son cortège de misère et de haine. Espace de la non-vie et du non-droit, cet archaïsme barbare reste un lieu de destruction systématique de l’individu. Il faut modifier les esprits, toucher les causes profondes qui font qu’elle demeure, alors que le constat de son échec n’est plus à faire. »
Si l’on devait analyser la prison à l’aune de son efficacité, elle disparaîtrait immédiatement. Dans cet essai, l’auteur s’interroge sur son origine et ses finalités, sur les alternatives anciennes et récentes à l’incarcération, sur la médiation et la réparation. Il prône l’abolition de cette institution et démontre qu’elle est réalisable dès aujourd’hui.
L’AUTEUR
Jacques Lesage de La Haye, psychanalyste, ancien détenu, a notamment écrit La Guillotine du sexe (L’Atelier). Il anime l’émission « Ras les murs », sur Radio libertaire, et combat les sociétés d’enfermement depuis quelque cinquante ans.
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