Comment vivez-vous le fait de vous retrouver seul(e) face à la prison ?

[Diana.F]

Que vous soyez une maman ou un papa qui voit son enfant (mineur ou adulte) incarcéré, une épouse ou une compagne qui se retrouve seule du jour au lendemain avec ou sans enfants ou que vous soyez simplement un(e) ami(e) de détenu dont l'entourage ne comprend pas la situation :

*Saurez-vous nous dire comment vous affrontez, seul(e), la prison ?

*Quelles sont ou ont été vos premières difficultés ?

*L’éloignement est-il un frein pour aller visiter la personne détenue ?

*Comment gérez-vous la charge financière supplémentaire ? (cantine, déplacements…)

*Avez-vous des conseils à partager aux nouveaux membres ?

Vous remerciant à l’avance pour votre contribution/partage.

[Antracyte]

Bon aller je m'offre l'honneur de la première réponse !

Mon compagnon est incarcéré depuis un peu plus d'un mois maintenant.
Les premiers jours/semaines ont été hyper durs à encaisser moralement et matériellement! Désormais c'est malheureux mais on commence a s'habituer, a trouver nos marques et un nouveau fonctionnement. Une routine s'installe et elle nous rassure tous les deux.

Je dirai que le plus dur au début c'était vraiment la séparation, le manque, le vide...
Il y avait en plus le stress du délai d'appel qui courait et cette décision a prendre vite et bien.
Avec la maison d'arrêt nous avons eu de la chance, cela s'est bien passé dès le début. Le SPIP m'a beaucoup aidé à mettre les choses en place : virement, demande de permis, dépôt de linge, démarches diverses... et a été réactif lorsque j'ai signalé une aggravation de son état et des pensées suicidaires.
L'impuissance est aussi un sentiment difficile à gérer je trouve de l'extérieur... Notamment quand on remarque que son état devient très inquiétant...

Après on a eu quelques couacs de téléphone c'était pénible et tout est tellement mou et lent avec l'administration pénitentiaire qu'on a un peu envie d'y aller pour les secouer mais bon... faut s'habituer c'est une grosse et vieille machine qui prend beaucoup de temps pour tout...

Les parloirs se sont mis en place au bout de 3 semaines. Je vis loin (250km aller/5h aller retour en moyenne) donc c'est une organisation pour pouvoir venir le voir et avec le prix du carburant qui explose, je pense que je ne pourrai pas venir le voir aussi souvent que je le voudrai dans les semaines qui arrivent. Le projet étant de me rapprocher, ça devrait aller mieux dans les prochains mois mais en attendant oui c'est un peu un frein, financierement parlant.

Surtout qu'en effet, la charge financière est différente maintenant avec les virements que je lui envoi, ses charges qui courent encore en attendant les différentes résiliations et pas de possibilité de travailler pour lui pour le moment dans cet établissement...

Pour ce qui est des conseils aux nouveaux, je suis nouvelle alors je vais pas en apprendre beaucoup aux autres mais je dirai patience et sang froid doivent devenir vos meilleurs atouts je pense face à cette épreuve et à cette administration.
Je partagerai aussi mon astuce pour rester solide et positive : se projeter loin, très loin, après la libération pour rester dans des projets, de la vie et pas sombrer dans des pensées noires et la souffrance qui nous ronge déjà. Si c'est comme nous, votre proche a besoin de positif pour l'aider à tenir et de sentir que la vie va continuer après...

Voila, sans prétention et sans trop rentrer dans les détails de notre vie

[Diana.F]

Merci Antracyte d'avoir osé répondre

[Babette06]

Bonjour,
Mon conjoint est en mandat de dépôt depuis 3 semaines. Aucune nouvelle de sa part. Le SPIP viens de me confirmer que je pouvais lui écrire, je n ai pas de nouvelles ni d appel téléphonique. Forcément, je suis d une part très inquiète pour lui et j ai hâte d avoir de ses nouvelles au téléphone.
La séparation à été violente pour moi, le manque, bien sûre, mais pas que, car il a fallu malgré tout que je réagisse très vite pour me retourner financièrement et me projeter dans une vie sans lui en attendant qu il ressorte.
Ma famille et mes amis me soutiennent.
Grosse difficulté pour moi, c était de comprendre les rouages de la justice. La lenteur, le silence, le fonctionnement.
L éloignement pour les futures visites quand je serai autorisée, sera un gros frein, plus de 600 km aller retour. Je n ose pas encore y penser.
Nous devrons établir un rituel téléphone courrier et se voir que rarement.
On n affronte pas cette douleur, on la subi, en tout cas pour ma part. C est violent.
Je suis en revanche très positive dans mes courriers qui recevra probablement un jour, il lui faut garder espoir.
Voilà ce que je ressens 3 semaines après son incarcération.

[Fred]

vous ne me voyez pas répondre, parce que d'une part tout cela est derrière moi, et d'autre part parce que j'ai choisi de me confronter à la détention pour soutenir quelqu'un que je ne connaissais pas avant.

Je suis venu ici pour justement ne pas être seul et obtenir quelques réponses afin de ne pas embarrasser la personne que je soutenais par des questions idiotes ou naïves. Je dosi beaucoup aux gens qui ont fondé, alimenté et animé ce forum et c'est pour cela que je suis encore là.

Sans rentrer dans le détail, même avec l'appui du forum et de certains de ses membres capable de répondre H24 à des questions angoissées, quand on est seul face à la prison et sans légitimité pour obtenir la moindre information sur l'état de la personne soutenue, ça provoque des moments d'inquiétude, de désespoir, mais on se rend compte qu'on peut parfois faire des choses dont on ne se croyait pas capable : persévérance, patience, culôt parfois, même à plus de 600 km de distance, ça peut marcher et on peut aider !

[Babette06]

Bien sûre qu on est capable de tout affronter, par force. Parfois on a besoin d être soutenue pour mieux y arriver.
Merci, je vais m armer de patience.

[Diana.F]

Merci à Babette06 & Fred, pour le partage! Espérant que cela incitera d'autres membres à le faire.

[Ssh]

Pour ma part je ne le connaissais pas avant non plus
J'ai tout de suite fait part de ma démarche à soutenir un détenu à mes proches et ils l'ont tous accepté sans jugement certains étaient même curieux car personne ne connait le monde carcéral.
Au départ ça n'était que par courrier donc je ne me posais pas énormément de questions.
Et puis quand je suis passé à l'étape d'après, la demande de permis etc là oui il a fallu que je me renseigne pour pouvoir m'y rendre sans que cela me coûte trop cher car il est a plus de 400 km. Donc une fois par mois je fais quasi 10h de train mais sincèrement je ne les sent pas passer. Depuis janvier que je peux lui rendre visite j'ai déjà fait de super belles rencontres des gens dans le même cas que vous et moi qui me guident quand je semble un peu perdue qui me conseillent et pour certaines personnes malheureusement ils connaissent bien le monde carcéral donc je sais tout ce qu'il faut faire pas faire dire ou non ( surtout ne pas dire ) parce que ça n'arrive pas toujours mais certaines fois c'est le détenu qui trinque par la suite. Je ne sais pas si c'est une chance mais je n'ai pas été confrontée à tout ça seule très longtemps. C'est dur quand les parloirs se terminent on a envie de les emmener avec nous ou d'y retourner l'heure qui suit on aimerait que le temps s'arrête mais c'est comme ça. À ce moment là je suis seule oui pour décompresser et que mon retour se fasse le plus sereinement possible.
Mes conseils aux nouveaux venus seraient les mêmes que cités plus haut.. patience mental d'acier et j'ai quand même envie de dire que parfois il y a du positif il faut le prendre et essayer de ne garder que ça en tête, les bons moments car ça vaut bien plus que tous les soucis liés à la détention.
Courage à tous ceux qui sont vraiment seuls au monde face à ça car c'est pas facile de tenir.

[Diana.F]

Merci Ssh, pour ton partage.

[Arizonadream]

Bonjour, je fais aussi partie de ceux qui ne connaissaient rien au monde carcéral avant. Je vis cette situation depuis 6 ans car mon fils est incarcéré pour ce qu'on appelle une longue peine. Il était mineur au moment des faits.
Je ne suis pas vraiment seule à le vivre mais son père est moins présent que moi mais je ne lui en veux pas d'avoir fait ce choix. Il n'a pas rejeté son fils, il va le voir quand il peut. Mon compagnon m'accompagne psychologiquement et sa sœur est encore très jeune donc je préfère porter ce poids pour protéger mes proches mais aussi parce que je suis sa mère et que quoiqu'il est fait, je le soutiens.
C'est évidemment un drame pour nous mais j'ai toujours été convaincu qu'il fallait l'aider sans pour autant le considérer comme une victime et la famille qu'il a détruite ressent sans doute une douleur bien supérieure à la mienne.
Les premiers temps, il a fallu gérer le choc, l'effondrement psychologique et en même temps agir vite. C'est à dire trouver un avocat, trouver l'argent pour le payer.. Je me suis tout suite fait aider par psychiatre, psychologue pour être en état d'affronter cela. J'ai eu la chance d'âtre soutenue par mes amis, mon entourage professionnel qui ont tous été bienveillants et qui ce sont dits, cela pourrait aussi nous arriver.
J'ai pu être arrêtée pendant quelques mois qui m'ont permis d'encaisser cet évènement mais aussi d'être disponible pour gérer toutes les premières étapes.
J'ai repris mon travail car j'en avais besoin financièrement mais aussi pour ne pas vivre avec comme seule perspective d'aller voir mon fils en prison. J'ai eu besoin de trouver un équilibre entre ma vie personnelle et l'accompagnement de mon fils pour pouvoir tenir sur le long terme.
le premier parloir, j'y suis allée avec une amie qui m'a accompagné en voiture (mon fils était incarcéré à 200 km de chez moi). Beaucoup d'appréhension, mais je suis sortie en me disant que j'allais pouvoir voir mon fils au moins 2 fois par semaine et que je pouvais l'aider.
Ensuite, c'est l'attente du procès qui a eu lieu 3 ans après.
En effet la patience est essentielle et je rejoins tous les membres qui répondent cela aux nouveaux arrivants car le temps est infiniment long entre chaque étape.
Depuis, il a fait beaucoup d'établissements pénitentiaires car il n'a pas été jugé dans la même région que son lieu d'incarcération.
Et la, c'est le temps des transferts pendant lequel ils peuvent rester 6 mois voir plus en transit car il n'y a pas de place dans l'établissement dans lequel ils doivent aller ou bien parce l'AP n'organise pas tous les 4 matins des transferts de détenus.
Donc j'ai refait la route 2 fois par mois pour aller le voir en région parisienne.
Maintenant, il a choisi d'aller dans un centre détention calme mais qui est à 400 km de mon domicile. J'y vais une fois par mois mais comme l'AP a installé des téléphones en cellules, il m'appelle tous les jours. Il fait des formations et va bientôt avoir ces premières permissions et peut-être dans 1 an ou 2 avoir une semi-liberté.
Je ne sais pas si vous lirez ce long témoignage mais ce que je souhaitais vous donner
c'est ma vision des choses qui n'est que la mienne bien entendu :
- Au début, il faut essayer de comprendre le fonctionnement de ce monde carcéral et le forum m'a aidé pour cela même si certaines réponses étaient dures mais reflétaient la réalité.
- Mon fils n'est pas en prison pour rien donc je l'ai accepté mais je ne le lâcherais jamais car c'est aussi cela qui le fait tenir.
- J'ai harcelé l'AP avec ou sans l'aide de l'avocat quand les situations étaient bloqués et que j'avais l'impression qu'il était oublié sous un tas d'autres dossiers.
- J'ai rencontré des gens extraordinaires que ce soient d'autre familles de détenus (je trouve qu'il y a beaucoup d'amour dans ces longs moments d'attente avant et après parloir). J'ai essayé dans la mesure de ce que je pouvais faire de rassurer et d'écouter ces familles. J'ai en aussi beaucoup de contacts avec des SPIP, des enseignants, des surveillants qui étaient bienveillants et qui m'ont aidé (bon d'accord, d'autres moins sympas) mais il y en a qui ont un petit mot sympa ("Allez profitez bien de votre parloir"). Les bénévoles aussi des maisons d'accueil..
- Il y a toujours une lumière au bout du tunnel et ce qui m'a permis de tenir c'est de me dire qu'il y a des situations encore plus terribles (je pense à l'Ukraine en ce moment, je travaille dans le soins et je vois tous les jours mourir des gens jeunes avec des familles dévastées) alors je me dis que finalement moi j'ai de la chance et que mon fils est en vie et que donc il y a toujours de l'espoir.
merci à ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu'au bout.
Je ne participe pas beaucoup sur ce forum car j'ai besoin de m'éloigner de tout cela pour mon équilibre mais je pense que quand mon fils sera sorti et que la situation sera plus équilibrée, j'aiderais peut-être en étant bénévole auprès des familles. Enfin, je n'en suis pas encore là
En tout cas je vous souhaite à tous et à toutes beaucoup de courage et vous pouvez être fiers d'accompagner vos proches dans ce moment si douloureux.

[maloel]

Après 4 mois de préventive nous n en sommes malheureusement qu au tout début de l enquête, mon mari ou ex mari comme beaucoup aimeraient que je l appelle risque 15 ans, il y a eu des courriers mais encore rien d autre
Du jour au lendemain de 6 nous passons à 3, à quelques jours de Noël, les fêtes n auront plus jamais les même saveurs
Je me suis faite hospitalisée avant de faire une connerie, et il y a tellement de batailles à mener que, je n avais déjà pas grand monde autour de moi maintenant je peux les compter sur les doigts d une main, il faut aussi se retourner très vite pour tout ce qui est paperasse, et la petite case prison ben faut bien la chercher car elle est quasi inexistante sur les statuts, et il faut accuser le choc demander de l aide car j étais en arrêt depuis 1 an, j ai perdu le fil du temps pendant mon hospi mais ça fait maintenant 4 mois et ce n est que le début de la bataille, qui sera longue pour nous deux, car il est pas là bas sans raison, et moi il faut que je me batte aussi pour nos enfants et pour récupérer celle que j ai perdu, il y a des moments je le hais, il y a des moments c est l homme de ma vie, en fait tout est chamboulé, les familles sont brisées et les cœurs froids et meurtris

[Babette06]

Je ne peux dire que courage, je me sens tellement impuissante dans le petit peu que je souhaiterais apporter. Peine encore incertaine pour mon conjoint. Même pas d objectif, on ne sait pas. 3 ans que nous sommes dans l'incertitude, justice trop lente. En plus de m avoir pris mon conjoint retombé il y a un mois, Mon plus jeune fils est parti ce soir pour faire sa vie dans un autre département. C était pas prévu comme ça. L incarcération à changer tous nos projets de famille. Ce soir, je suis triste, j ai aussi l impression d avoir déçue mon fils. Un vide de plus.

[Miloup]

En fait, je ne suis pas tout à fait nouvelle. J'ai découvert votre site fin 2015. Mon ami a eu la très grande chance de sortir de préventive début 2016, et dans 11 jours c'est le jugement.
J'étais totalement novice de ce monde, avec plein de peurs et de questions que je ne savais pas à qui poser. Au début je m'imaginais tant de choses de ce que mon proche pouvait penser et vivre ! Je ne comprenais rien à ces attentes qui me paraissaient ne pas avoir d'explications, parce qu'on ne m'expliquait qu'une chose : il faut attendre, on ne peut rien vous dire. Et puis j'ai vu qu'il fallait lire les affichettes, parler aux autres familles, et qu'une solidarité existe au milieu de ce silence opaque. L'annonce des colis de Noël a été une bonne surprise, avec la crainte que certaines nourritures soient refusées. Lui comme moi a commencé à s'habituer un peu à cette nouvelle vie. Surtout après les premiers parloirs.
A l'annonce de la date du jugement, toute l'angoisse est revenue, avec les souvenirs. C'est pour ça que je reviens aussi sur le site. C'est un vrai soulagement de pouvoir communiquer avec vous et les adm.
Merci ! Et COURAGE à tous-tes !

[Lagertha]

voilà c'est toujours le même scénario. Inscrite depuis 2015, conjoint sorti en 2016, dans 11 jours c'est le procès donc on revient. Entre temps rien, pas même un témoignage, un partage d'expérience, rien. 7 ans après tu te pointes la bouche en coeur sortir tes mots à la guimauve, ça m'agace les gens comme toi. J'en ai un peu ma claque des égoïstes

[Malhéna]

Bonjour, mon fils vient d'être incarcéré y a 1 semaine entre la garde à vue et la rentrée en prison ça fait deux semaines que je ne l'ai pas vue et eu aucune nouvelle. J'aurais jamais pensée qu'un jour un de mes fils rentre en prison. Ça me fait énormément mal de savoir mon fils enfermé je ne sais même pas si je vais tenir moralement et physiquement. Il m'a achevé dans tous les sens je me demande comment je vais bien pouvoir faire entre la tristesse la fatigue le manque de ses nouvelles la peur qui lui arrive quoi que se soit les virements bancaire pour cantiner et la sacré facture que je dois à l'avocat. Je souffre énormément de son absence vais je arriver à me faire à l'idée que pendant 7 mois minimum je ne vais pas le voir? Vais je m'habituer à ce que mon fils soit en détention? Je compte les jours 1 à 1 et pour la première fois J'ai hâte que les vacances d'été soit fini pour reprendre le boulot pour m'occuper l'esprit à pensée à autre chose que de me demander est ce qui l'est bien à t il reçu le virement pour manger à t il reçu son sac de vêtement...... Hâte de voir arriver le mois d'octobre pour pouvoir déposer son dossier d'aménagement de peine. Des fois Je me surprend à pensée qui l'a vraiment était égoïste et Qu'il n'a pas pensée au conséquence. Quand mon fils c'est fait prendre par la bac j'étais là et il m'a dit en pleure "maman pardon je reviens". Mais il n'est pas revenue, il reviendra certainement dans 7 mois

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